[Colloque] Les transformations du travail par l’intelligence artificielle (IA)

Ce colloque sera l’occasion de partager les enseignements des travaux du LaborIA et d’autres recherches, tout en les mettant en dialogue avec différents angles de recherche dans une perspective pluridisciplinaire. À l’appui d’éclairages experts et de cas empiriques, l’objectif sera d’appréhender les enjeux posés par l’IA sur le travail et de se projeter collectivement vers une modernité réflexive pour mieux anticiper les conséquences politiques, économiques et scientifiques sur ce thème d’avenir.

Comment les individus s’approprient, utilisent, contournent ou détournent les outils liés à l’IA dans leurs pratiques de travail ? Au-delà de la “geek economy”, comment ces nouvelles briques technologiques s’inscrivent-elles dans le quotidien des organisations ? De quelle manière bousculent et reconfigurent-elles certains métiers – et même la définition d’un “travail d’humain” ? Avec l’IA, quelles nouvelles formes de dialogue en entreprise, quels modèles socio-productifs inventer pour demain ?

Inscriptions obligatoire : via ce lien

Argumentaire

Parce qu’elle permet de réaliser des opérations cognitives, de prendre des décisions, de mimer la communication humaine, de manier d’autres outils et objets et surtout d’apprendre par elle-même, l’intelligence artificielle (IA) est vectrice d’interrogations sociétales croissantes. Son développement rapide nourrit des craintes politiques et sociales qui portent tant sur l’évolution des métiers que sur la disparition de certaines fonctions, alimentant des scénarios contrastés (Frey et Osborne, 2017 ; Askenazy & Bach, 2019) et parfois pessimistes sur l’avenir du travail. Loin d’être réductible à sa seule dimension technologique, l’IA porte ainsi en elle de profondes mutations sociales : un tiers des emplois pourraient en être transformés ces vingt prochaines années (OCDE, 2016), ce qui en fait un momentum ethnologique (Ferguson et Pecoste, 2022).

Depuis les années 1990, des chercheurs en sociologie du travail, en psychologie sociale et en sciences de gestion se sont intéressés à ces transformations au fil de leurs apparitions (Dodier, 1995 ; Boltanski et Chiapello, 1999 ; Gilbert, 1998…). Progressivement, ils ont offert des cadres d’analyse pour appréhender l’impact des outils sur les systèmes organisationnels et gestionnaires, les rapports de pouvoir en entreprise, analysant les phénomènes de résistance au changement, l’évolution des approches RH, managériales ou encore les nouvelles logiques de gestion des compétences (Zimmermann, 2000, 2011 ; Boussard, 2008 ; Chiapello et Gilbert, 2013 ; Meda et Vendramin, 2013). Cette armature conceptuelle apparaît toutefois à revisiter aujourd’hui au vu de la profondeur des transformations induites par l’IA dans les organisations : ces outils ne peuvent désormais plus être considérés comme de simples instruments, et les humains comme seuls “acteurs”. Ces “nouveaux actants” (Latour et al., 2006) et ces articulations Homme-Machine inédites peuvent impacter les systèmes organisationnels et humains (Relieu et Velkovska, 2021 ; Zouinar, 2020). Ils déplacent subtilement les équilibres existants en termes de responsabilité, de reconnaissance, d’autonomie, de savoir-faire et de relations sociales au travail (Ferguson et Pecoste, 2022). Dans ce contexte, l’entremêlement des dynamiques pose un défi sociologique nouveau : isoler les impacts spécifiques à l’IA par rapport aux enjeux plus généraux d’appropriation des nouvelles technologies et d’adaptation au changement. D’ores et déjà, un certain nombre de travaux pointe les enjeux et les risques sociaux potentiellement associés à la conception et à l’incorporation dans le travail de ces systèmes fondés sur l’IA (Casilli, 2019 ; Rosa, 2010).

Ces enjeux ont été saisis par de premières instances de réflexion, dont certaines à vocation régulatrice : des démarches multipartites basées sur l’expertise telles que le Partenariat mondial sur l’intelligence artificielle (PMIA) et son groupe de travail Future of work initié en 2020, le groupe d’experts constitué dès 2019 par la Commission européenne qui offre des lignes directrices en matière d’éthique “pour une IA digne de confiance” ou encore les travaux des partenaires sociaux qui ont abouti à un “Accord européen sur la transformation numérique des entreprises” appelant de ses vœux un principe “d’humain aux commandes” en matière d’IA.

Dans une perspective sociotechnique, qualifier les effets de l’IA sur le travail représente toutefois un exercice difficile appelant à l’humilité collective tant ces technologies sont évolutives – les IA génératives telles que ChatGPT l’illustrent bien – et comme les rétroactions entre l’humain et les outils qu’il façonne sont complexes. Les conséquences des IA sur les organisations, les métiers, les espaces et temps de travail, les besoins en compétences, et plus profondément, les pratiques et relations professionnelles, demeurent peu prévisibles.

Peu de travaux portent aujourd’hui sur la dimension micro de ces transformations, à l’échelle des individus, sur les vécus, les pratiques professionnelles et leurs conséquences sociales et organisationnelles. Il est apparu essentiel d’engager une étude de l’expérience travailleur (Anact, 2018). Faisant le constat du faible nombre de travaux empiriques sur ce thème, une vaste démarche de recherche-action a été impulsée en 2020 par le Ministère du Travail, du Plein emploi et de l’insertion et par l’INRIA : LaborIA. A la fois un laboratoire de sciences humaines appliquées et espace d’anticipation et de réflexion pour l’action, LaborIA étudie au concret les transformations alors que se déploient les systèmes d’IA dans les organisations (LaborIA, 2022 ; 2023). Mobilisant plusieurs équipes de recherche, elle s’appuie sur un grand nombre d’études de cas.

Programme

Lundi 20 novembre

13h00 – 13h45 : Accueil des participant-es

13h45 – 14h00 : Note d’accueil (FR + EN) par Thierry Menissier & Dakota Root

14h00 – 14h45 : Présentation des partenaires (FR)

  • 14h00 – 14h15 : Bruno Sportisse, PDG d’Inria
  • 14h15 – 14h30 : Yann Ferguson, MCF en sociologie, responsable scientifique du LaborIA et membre du comité scientifique du colloque
  • 14h45 – 14h45 : Vincent Mandinaud, sociologue, chargé de mission à l’Association Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail (ANACT)

14h45 – 15h : Pause

15h00 – 18h15 : Session médicale (FR)

  • 15h00 – 15h20 : Olivier Cousin, professeur de sociologie, Université de Bordeaux. Qu’attendre des machines ? Les promesses de l’intelligence artificielle en santé.
  • 15h25 – 15h45 : Alexandre Mathieu-Fritz, professeur de sociologie, Université Gustave Eiffel & Dilara Trupia, chercheuse post-doctorante en sociologie, LATTS, Université Gustave Eiffel. L’Intelligence Artificielle à l’épreuve des pratiques et des réflexivités professionnelles en dermatologie : le cas de la détection précoce des mélanomes.
  • 15h50 – 16h10 : Gérald Gaglio, professeur de sociologie, GRDEG, Université C^té d’Azur. Remplacer-déclasser-déplacer : le triptyque des transformations (en cours) engendrées par l’IA en radiologie en France.
  • 16h15 – 16h35 : Océane Fiant, chercheuse post-doctorante en épistémologie, histoire des sciences et des techniques, Université de Technologie de Compiègne. Intelligence artificielle en anatomopathologie : reconfiguration d’une expertise médicale.
  • 16h40 – 17h00 : Giulia Anichini, anthropologue à l’EHESS, ingénieure de recherche au Centre François Viète, Nantes Université. Un outil algorithmique pour « personnaliser » le choix des traitements pour la sclérose en plaques : quelques enjeux autour de l’automatisation de la prise de décision médicale.

17h00 – 17h15 : Pause

17h15 – 18h00 : Discussion, modérée par Fabienne Martin-Juchat, professeur de sciences de l’information et de la communication, Université Grenoble Alpes

Mardi 21 novembre

8h30 – 9h00 : Welcome and coffee

9h00 – 10h30 : Table-ronde Perspectives éthiques et légales (EN)

Moderated by Dakota Root, postdoctoral researcher in philosophy in the chaire Ethique & IA.

Avec :

  • Michael Cholbi, professor of philosophy, School of Philosophy, Psychology and Language Sciences, University of Edinburgh.
  • Gloria González Fuster, research professor in law, Vrije Universiteit Brussel, co-director of the Law, Science, Technology and Society Research Group.
  • Aida Ponce Del Castillo, senior researcher in law at the European Trade Union Institute of Brussels.
  • Alberto Romele, MCF en sciences de l’information et de la communication, Sorbonne Nouvelle Université.

10h30 – 10h45 : Pause

10h45 – 12h15 : Session Éthique et justice au travail (EN)

  • 10h45 – 11h25 : Marc-Antoine Pencolé, professeur agrégé de philosophie, Sophiapol, Université Paris Nanterre. « AI », socialization and experience of injustice.
  • 11H30 – 12h10 : Margherita Pugnaletto, associate researcher, Centre d’études sociologiques et politiques Raymond-Aron, EHESS. Contrasts and Opportunities in the Interplay of Work Dynamics, Technological Innovations and Social Cohesion.

14h00 – 15h30 : Session Remplacement : mythe ou réalité 1 (EN)

  • 14h00 – 14h40 : Duke Shaul, postdoctoral researcher and sociologist, Department of Food and Resources Economics (Ifro), University of Copenhagen. Examining the Optimistic Approach to the Effects of Current AI on Workers.
  • 14h45 – 15h25 : Tyler Reigeluth, MCF en philosophie, Université catholique de Lille. Le jeu qui résiste à l’automatisation.

15h30 – 15h45 : Pause

15h45 – 17h15 : Session Études de cas 1 (FR)

  • 15h45 – 16h25 : Anne-Charlotte Mariel, doctorante en sociologie, Université Paris Nanterre. Le PoC : dispositif d’intégration des systèmes d’IA dans l’administration.
  • 16H30 – 17h15 – Lamia Jmoula, chercheuse en communication des organisations, Université Mohamed Premier. Perceptions du changement et enjeux éthiques de l’usage de ChatGPT par les professionnels de communication dans les organismes publics marocains.

Mercredi 22 novembre

8h30 – 9h00 : Welcome and coffee

9h00 – 10h30 : Session Conditions de travail (FR / EN)

  • 9h00 – 9h40 : Giulia Caruso, PhD student in political science, University of Catania. Gender data gap in the algorithm society.
  • 9H45 – 10h25 : Moustafa Zouinar, chercheur ergonome, Centre national des Arts et Métiers, Orange. L’explicabilité de l’IA : pour une approche contextuelle.

10h30 – 10h45 : Pause

10h45 – 12h15 : Session Remplacement : mythe ou réalité 2 (EN)

  • 10h45 – 11h25 : Éric Pardoux, doctorant en philosophie, École Normale Supérieure de Lyon. Work and technique after Simondon : for a renewed technocriticism of Artificial Intelligence.
  • 11H30 – 12h10 : Henri Stephanou, professeur agrégé et doctorant en philosophie, Institut d’histoire et de philosophie des sciences et des techniques, Université Paris 1 Sorbonne. Automating the CEO ?

14h00 – 16h10 : Session Études de cas 2 (EN)

  • 14h00 – 14h40 : Rachel Hale, research associate and sociologist, School of Social Sciences, Cardiff University. Will artificial intelligence transform steelmaking work ? Steelworkers’ perspectives.
  • 14h45 – 15h25 : Hans Voordijk, associate professor in philosophy, University of Twent. Datafication and machine learning in construction practice : a technological mediation perspective.
  • 15h30 – 16h10 : Simone Rinaldi, PhD student in political and social sciences, University of Catania. Trends of use of artificial intelligence in the Russia-Ukraine war : autonomous weapon systems or hybrid component ?

16h15 – 16h30 : Pause

  • 16h30 – 17h00 : Synthèse par Thomas Reverdy, professeur en sociologie, Pacte, Grenoble INP.

17h00 – 17h15 : Déclusion

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