[AAC] Pouvoir et empouvoirement : une perspective écologique

Le contexte politique et social relativement tendu aux États-Unis ces dernières années, en raison d’une crise manifeste de la démocratie — attaques politiques contre les droits des femmes, des Africains-Américains, des personnes LGBTQIA+ et d’autres communautés minorisées —, est révélateur de conflits voire de failles béantes au sein de la société étatsunienne. Afin d’étudier ces tensions aux dynamiques de plus en plus complexes, les questions de pouvoir et d’empouvoirement offrent un prisme original pour aborder les problématiques sociétales, économiques et politiques qui suscitent les plus vives inquiétudes en Amérique du Nord. Elles sont particulièrement pertinentes dans l’appréhension des enjeux écologiques et des politiques et actions afférentes. En effet, dans le contexte d’une double crise environnementale et climatique, confrontés à l’inadéquation et/ou à l’inaction des acteurs et actrices politiques, économiques et institutionnels qui pourraient tenter d’y remédier, de nombreux individus s’impliquent de manière active pour pallier l’absence de mesures concrètes, et dans certains cas, s’opposent frontalement à des choix et décisions économiques aux conséquences néfastes pour le climat, la biodiversité voire simplement pour une qualité de vie acceptable. Qu’ils soient militants ou simples citoyens, ces individus se sont engagés et s’engagent de multiples manières, du local (quartier) au global (planète). Ces actions à différentes échelles ne sont guère nouvelles : le concept d’empouvoirement écologique est en effet apparu dès les années 1960, mais il n’a que rarement été convoqué jusqu’à présent dans les études environnementales. Si l’on définit l’empouvoirement comme « a progression that helps people gain control over their own lives and increases the capacity of people to act on issues that they themselves define as important » (Luttrell et al., 2009, p. 16), alors des logiques d’empouvoirement et de contestation du pouvoir sont bel et bien à l’œuvre dans les multiples réactions suscitées, à différents niveaux, par le constat grandissant des menaces pesant sur l’environnement planétaire.

Notre atelier s’interrogera sur la façon dont la tension entre pouvoir et empouvoirement peut s’appliquer au champ des études environnementales, conçues ici dans le sens le plus large, allant de l’histoire environnementale jusqu’à l’anthropologie en passant par la science politique ou la sociologie. Comment les questions d’émancipation et de transformation sociale ou politique s’appliquent-elles au militantisme écologique, à la transition énergétique, aux diverses luttes pour la justice environnementale ? La somme d’actions isolées d’individus décidant de pratiquer des « écogestes » (limitation de l’usage du plastique, compostage des déchets alimentaires, pratique du vélo, etc.) constitue-t-elle un exemple d’empouvoirement si elle vise à déstabiliser un modèle économique et social consumériste, identifié comme dépassé ? Les communications pourront interroger ces notions en les abordant selon différentes échelles d’analyse : l’individu, la société, voire le système écologique tout entier (Skene, 2021). La question, toujours cruciale en matière d’écologie, de l’articulation du savoir et du pouvoir (comment défendre quelque chose lorsque la menace n’est pas clairement comprise ?) pourra être placée au cœur de réflexions sur les notions de pouvoir, de biopouvoir dans un cadre environnemental (Foucault, 2004). Les problématiques d’appropriation culturelle et l’étude des résistances des populations autochtones à la spoliation de leurs ressources (matières premières et/ou savoirs techniques), dans la mesure où elles s’inscrivent dans cette tension entre savoir, pouvoir et empouvoirement, auront toute leur place dans l’atelier.

Parmi les thématiques pouvant être abordées, mentionnons notamment (liste non exhaustive) :

  • Dynamiques des rapports de pouvoirs en histoire environnementale ;
  • Analyse des discours de pouvoir et empouvoirement écologiques, écolinguistique ;
  • Mouvements politiques, radicalités, écoféminisme ;
  • Pouvoir et culture : la culture comme modalité d’empouvoirement ;
  • Autochtones et spoliation / réappropriation des savoirs traditionnels ; Traditional Ecological Knowledge (TEK) et approches décoloniales de l’environnement.

Conditions de soumission

Merci d’envoyer vos propositions de communication (500 mots maximum), ainsi qu’un court CV, à Yves Figueiredo (yves.figueiredo@u-paris.fr) et Mélanie Cournil (melanie.cournil@sorbonne-universite.fr)

pour le 19 janvier 2024.

Les propositions retenues seront annoncées au début du printemps 2024.

Cet atelier aura lieu dans le cadre du congrès annuel de l’Association Française d’Etudes Américaines, AFEA, qui se tiendra à l’Université de Strasbourg du 21 au 24 mai 2024.

Bibliographie indicative

  •  Anderson, M. Kat. Tending the Wild : Native American Knowledge and the Management of California’s Natural Resources. Berkeley : University of California Press, 2005.
  • Bacqué, M.-H. and Willmott, H., « Different Manifestations of the Concept of Empowerment : The Politics of Urban Renewal in the United States and the United Kingdom », International Journal of Urban and Regional Research, 37 (6), 2013, p. 2198-2213.
  • Berkes, F., « Indigenous Ways of Knowing and the Study of Environmental Change », Journal of the Royal Society of New Zealand, 39 (4), 2009, p. 151-156.
  • Calvès, A.-E., « “Empowerment” : Généalogie d’un concept clé du discours contemporain sur le développement,” Revue Tiers Monde, 200 (4), 2009, p. 735-749.
  • Foucault, M., Naissance de la biopolitique : cours au Collège de France, 1978-1979, édition établie sous la direction de François Ewald et Alessandro Fontana, Paris : Seuil, 2004
  • Luttrell, C., S. Quiroz, C. Scrutton and K. Bird, Understanding and Operationalising Empowerment, London : Overseas Development Institute, 2009.
  • Skene, Keith R., « What Is the Unit of Empowerment ? An Ecological Perspective », British Journal of Social Work, 00, 2021, p. 1-20.
  • Spence, Mark David. Dispossessing the Wilderness. Indian Removal and the Making of National Parks. New York : Oxford University Press, 1999

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