[AAA] Communication de crise, médias et gestion des risques du Covid-19

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Revue de Recherches Francophones en Sciences de l’Information et de la Communication

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APPEL À ARTICLES : N° 9

Dossier : Communication de crise, médias et gestion des risques du Covid-19

Coordonné par Mohamed BENDAHAN & Amal NADER

Avec le Covid-19, le monde s’est trouvé face à une crise réelle, sanitaire mais aussi sociale, politique et économique. Une rupture qui a créé l’événement médiatique par excellence. Depuis, le rapport à l’espace-temps a changé, le rythme de la vie s’est ralenti subitement et l’ordre des priorités a été revu, puis modifié.

Cette transformation est justifiée par le fait que « la crise représente un danger […] elle est, toutefois, un révélateur de dysfonctionnements larvés, un élément de réponse à un blocage ou à une inadaptation technique, économique ou sociale, un accélérateur de restructurations devenues inéluctables », comme la décrit Thierry Libaert dans son livre « La communication de crise ». Mais, toute crise peut, selon lui, « représenter une opportunité positive de développement par la remise à plat d’un mode de fonctionnement inadapté ». La crise sanitaire actuelle ne constitue pas une exception dans mesure où la plupart des prévisions et des expertises insistent sur la remise en cause de l’ordre (du désordre) mondial.

Patrick Lagadec s’arrête pour sa part, sur l’aspect médiatique en définissant la crise comme « une situation où de multiples organisations, aux prises avec des problèmes critiques, soumises à de fortes pressions externes, d’âpres tensions internes, se trouvent brutalement et pour une longue durée sur le devant de la scène, projetées aussi les unes contre les autres… le tout dans une société de communication de masse, c’est-à-dire en direct, avec l’assurance de faire la Une des informations radiodiffusées, télévisées, écrites, sur une longue période ».

Ce qui caractérise la crise du Covid-19, au-delà de l’effet surprise, le danger et la médiatisation, c’est son aspect universel, international et fédérateur. Elle génère une pléthore de discours (savants et profanes) où la communication est le maître-mot ; elle s’impose comme un besoin vital, un outil de survie et un remède à l’isolement. Les Technologies de l’information et de communication (TIC) en sont le catalyseur et le vecteur incontournable.

En ces jours difficiles où les pays du Nord et du Sud se figent brutalement, où l’autre (tout autre) devient suspect et porteur de contamination, de grandes transformations s’opèrent dans

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nos sociétés. La méfiance règne, l’incertitude s’installe, la peur engendrant la distanciation est le dénominateur commun. Face au Covid-19, le monde entier est comme paralysé. L’humanité n’a pas vécu de telles situations depuis plus d’un siècle, et ne s’est pas préparée à l’affronter.

Dans les démocraties comme sous les dictatures, en Occident comme en Orient, dans les pays pauvres comme dans les pays riches, les décideurs politiques sont confrontés à une crise sanitaire qui les dépasse et qui les met à l’épreuve. Des choix ont été faits, des décisions sont prises et seront jugées au fil du temps. Christian Morel montre dans Les décisions absurdes que « les crises majeures peuvent découler de décisions mûrement réfléchies ». Lors de cette crise du Covid-19, des discours sont prononcés et repris ; des mesures sont adoptées avec des conséquences graves sur la vie quotidienne, l’économie, les marchés, l’emploi, le chômage, la santé publique, l’éducation et l’environnement ; comme le fait remarquer Geneviève Paicheler, dans le numéro 41 de la revue Hermès sur la lutte contre le Sida, « lorsque la puissance publique énonce sa position sur un problème de santé, cela rend visible autant son implication que les solutions qu’elle envisage de mettre en œuvre ».

Il est sans dire que « l’établissement d’un Agenda-setting (un programme d’ordre du jour) est le processus par lequel les problèmes et les solutions alternatives gagnent ou perdent l’attention du public et des élites » (Stephen Hilgartner et Charles Bosk).

En adéquation avec l’Agenda-setting du moment, toutes les autres crises qui préoccupaient le monde jusque-là sont relayées au second plan. Les guerres en Syrie, au Yémen ou en Libye, le réchauffement climatique, les crises sociales, les élections, tout cela n’est plus une priorité. Juste le virus (invisible), qui envahit la planète et à l’encontre duquel des termes comme « guerre » et « ennemi » sont déployés, perturbe l’ordre établi, remet en cause toutes nos certitudes et bouleverse notre mode de vie.

Tous les secteurs de l’économie mondiale sont confrontés à des difficultés majeures, sans aucune certitude sur le prix à payer dans les années à venir. La recherche scientifique médicale s’oriente vers un objectif unique, celui de trouver un vaccin et des traitements alternatifs. Le corps médical se fixe une seule priorité, celle de contenir la pandémie. Tout le reste semble ajourné ou reporté. Les médecins et « les spécialistes » affluent sur les plateaux de télévision de l’information en continu. Les médias nationaux et internationaux semblent trouver un sujet d’actualité intarissable.

En effet, un seul sujet d’actualité occupe les esprits et autour duquel tous les flux d’information se concentrent. Aux quatre coins de la terre, « loin d’être le seul apanage des scientifiques et experts, la compréhension des épidémies est aussi du ressort des médias » – soulignent Matthieu Fintz et Sylla Thierno Youla à propos de la grippe aviaire -, les productions médiatiques traditionnelles comme celles des nouveaux médias et réseaux sociaux numériques ne parlent que de ce nouveau Coronavirus. Vérités et infox s’entremêlent, information et désinformation se côtoient. « Les réseaux sociaux sont le théâtre de l’expression mais pas de l’information » comme le rappelle Dominique Wolton. Les premières études le prouvent, l’opinion publique se retourne en masse vers les médias traditionnels qui consolident leur légitimité.

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Cependant, avec le confinement forcé et des fermetures des frontières entre les pays, de nouvelles formes de communication numériques se développent et bravent l’isolement. Le télétravail, la télémédecine, l’enseignement à distance, etc., se généralisent sans précédent et soulèvent de nouveaux défis communicationnels. Les entreprises se métamorphosent littéralement pour s’adapter à la crise et la gérer en interne avec l’absence du personnel et des salariés. La réalité de cette situation montre qu’« il ne peut y avoir de bonne communication de crise sans intégration de la communication globale et de l’analyse des risques au plus haut niveau du management de l’entreprise », selon le constat de Judy Larkin dans son livre Strategic reputation risk management.

Les rapports sociaux prennent des formes nouvelles et paradoxales, avec d’une part une distance physique et une rupture sociale imposées, et d’autre part le développement du lien social et de la cohésion sur l’espace médiatique et plateformes technologiques. Les réseaux sociaux numériques viennent combler cette absence du lien social habituel, augmentant la demande sur les infrastructures et échafaudant toutes sortes de théories sur la naissance et la propagation du virus.

Cette épreuve unique et extrême place l’humanité au regard de ses fragilités, ses rapports à la vie, à la mort, à l’inconnu, au réel et au virtuel, bref face à « l’incertitude » dirait Edgar Morin, et – en se basant sur « une pensée complexe » – mériterait d’être analysée, expliquée sous tous ses aspects, en l’occurrence : communicationnel, médiatique, social, politique, juridique, philosophique, environnemental, éthique, etc.

Dans ce dossier de la revue REFSICOM, nous essayons de poser des questions relatives à l’émergence et le développement de la crise sanitaire imprévue du Covid-19, notamment dans sa relation avec les médias, la gestion du flux informationnel et le débat citoyen. Comment la crise sanitaire a été couverte par les médias, aussi bien sur le plan quantitatif que qualitatif ? Comment se sont opérées les mutations du métier et les bouleversements des pratiques dans les rédactions ? Quels défis ont rencontrés les journalistes qui ont continué à informer et couvrir la crise du Covid-19, que ce soit les défis sécuritaires ou autres ?

La dimension des réseaux sociaux et des TIC fait partie intégrante de la gestion de cette crise. Quelle est la place occupée par les réseaux sociaux numériques dans cette crise ? Quels liens entre la désinformation, la toile et l’état de panique renforcé ?

Comment peut-on analyser la gestion de la crise sanitaire de la part des responsables politiques ? Comment la crise a-t-elle occupée la sphère politique ? Quel regard peut-on porter sur la conjugaison du discours médical et/ou scientifique avec le discours politique dans gestion de la crise ?

Comment peut-on évaluer la démocratisation de la communication virtuelle qui a connu un véritable rebond grâce aux TIC, dans tous les domaines professionnels et socio-culturels, la communication virtuelle demeurant la seule disponible, avec la fermeture de toutes frontières et de toute possibilité de rencontre réelle ?

Quelle dimension éthique accompagne la gestion de la crise sanitaire avec le traçage, l’accès aux données personnelles privées, sans oublier l’évolution de l’éthique médicale, etc. ? La

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rupture et l’isolement imposés auront forcément des impacts psychologique et social non négligeables qui nécessiteraient une réelle résilience ; comment peut-on les analyser du point de vu communicationnel ?

Les contributeurs pourront aborder des problématiques en lien avec les différents axes proposés (à titre indicatif) :

Axe I – La couverture médiatique de la crise (un événement unique, des heures de direct, avec une adaptation technique, des émissions faites de chez soi…), et le journaliste face aux risques.

Axe II – La désinformation (fake news) et les réseaux sociaux numériques à l’aune des flux d’information.

Axe III – La multiplication des discours face à la crise : politique / profane au scientifique savant (médical, environnemental, juridique…).

Axe IV – Les TIC au cœur de la métamorphose de l’enseignement à distance et la formation, du télétravail et la modalisation de l’entreprise, puis du maintien de la communication (virtuelle) au-delà des frontières.

Axe V – L’isolement, la rupture et l’impact psychologique, social et éthique. Calendrier et modalités de soumissions :

o Date limite de soumission des propositions de communication de 2 500 signes avec le nom de l’auteur, fonction et adresse électronique, numéro de l’axe : 5 juillet 2020.
o Les propositions seront évaluées en double aveugle. Elles doivent être envoyées

conjointement aux deux adresses suivantes :

mhbendahan@yahoo.fr et amal.nader@gmail.com
o Date de notification des propositions acceptées le 20 juillet 2020.
o Date de réception des textes complets : 27 septembre 2020. L’article final ne doit pas

dépasser 30 000 à 45 000 signes (notes comprises), et ne pas avoir fait l’objet de publication ailleurs.
(Times New Roman 12 pour le texte et 10 pour les notes, interligne simple).
(Sur la première page le nom de l’auteur, fonction et adresse électronique, un résumé et des mots clés en français et en anglais ; et sur la deuxième page le titre et le texte de l’article). Voir normes rédactionnelles de la revue REFSICOM :http://www.refsicom.org/normes-de-redaction

o Date de notification de la décision du comité scientifique : 23 octobre 2020. o Publication de numéro prévu pour novembre 2020.

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