[AAA Prolongation] Intelligence artificielle et communication des organisations
prolongation réception des articles 30 octobre 2019
Co-dirigé par :
Christophe ALCANTARA, Maître de conferences en Sciences de l’Information et de la Communication, IDETCOM, Université Toulouse 1 Capitole, France
Francine CHAREST, Professeure titulaire au Département d’information et decommunication de l’Université Laval , Québec, Canada
Alain LAVIGNE, Professeur titulaire au Département d’information et decommunication de l’Université Laval, Québec, Canada
Problématique
La numérisation de la société est un mouvement de fond qui plonge les organisations et leurs pratiques professionnelles dans l’ère de l’Intelligence artificielle (IA). Ce concept est apparu en 1956, et la littérature attribue généralement la paternité del’expression à John McCarthy. De façon schématique, l’IA repose sur deux approches distinctes et complémentaires, le cognitivisme et le connexionisme (Benbouzid, Cardon, 2018 ; Jordan, 2018). Le premier fondement, symbolique, repose sur des travaux menés dans le domaine des sciences de l’apprentissage profond (Deep learning). Il tente tant bien que mal de recréer un cerveau «artificiel» à partir de modèles mathématiqueset informatiques (Julia, 2019). L’autre, connexionniste, repose sur des approches probabilistes développées dans le domaine del’apprentissage des machines (Machine learning). Il étudie les connaissances
acquises ou développées par différents types d’apprentissage (supervisé, non- supervisé, par transfert, par renforcement, etc.). Ce dernier fondement est appliqué dans la vie « réelle » ; réelle en ce sens que l’univers connexionniste n’est pas conçupar des programmateurs mais qu’[…« il est désormais composé de connaissances qu’il faut aller chercher auprès de spécialistes de différents domaines […], formulerdans un langage le plus naturel possible afin que des utilisateurs puissent interagir avec elles en leur posant des questions» (Cardon, Cointet, Mazières, 2018). Il est alors intéressant de nuancer cette présentation entre les pôles cognitivistes et connexionistes en faisant référence aux travaux de Varela ( Varela, 1988). En effet, sile critère d’évaluation de la cognition reste toujours « la représentation adéquate d’unmonde extérieur prédéterminé», Varela développe le concept d’énaction, un paradigme qui insiste sur la dimension incarnée de la cognition qui prend enconsidération les interactions du sujet avec son écosystème. L’énaction considèrealors la cognition humaine comme référant non pas « à la résolution de problèmes au moyen de représentations, mais plutôt [au] faire-émerger, créateur d’un monde ».
Les notions d’IA, d’humanités numériques et de Big data sont des réalités quis’entrecroisent pour proposer un changement de paradigme. Depuis le début des années 2000, le Machine learning s’impose (Canet, Trans, 2017) et intéresse de nombreux chercheurs des Sciences humaines et sociales (SHM), notamment desSciences de l’information et de la communication (SIC). La plupart des dispositifs d’IAassociés à une organisation relèvent d’une logique de Machine learning (Benbouzid, Cardon 2018), c’est-à-dire d’une forme prédictive qui repose sur des méthodes d’apprentissage de grandes séries de données. De façon générique, « les humanitésnumériques recouvrent un ensemble de pratiques de recherche à l’intersection destechnologies numériques et des différentes disciplines des sciences humaines et sociales » (Dacos, Mounier, 2014). Sur un plan scientifique, une cristallisation s’opère sur le changement de paradigme proposé par certains chercheurs de l’IA (Julia, 2019) et des humanités numériques, où le modèle théorique n’est plus le point central de l’explication des observations. Celles-ci sont légitimées par la force des corrélations obtenues grâce à des calculs sur des grandes séries, mais « les humanités numériques ne cessent de susciter critiques et interrogations quant à leur statut institutionnel, leur histoire et surtout leur positionnement dans le paysage intellectuel et académique» (Doueihi, 2015).
Cela impacte les organisations qui sont soit prises sous les feux de l’injonction de latransparence, soit désireuses de valoriser le fait de cibler un public, analyser des flux et donc corréler des data qui leur semblaient improbables il y a encore peu de temps. La communication numérique modifie les frontières de l’organisation. Ces dernières sont plus poreuses, étant donné, entre autres, le développement de communications horizontales, hors de contrôle des organisations avec toutes leurs parties prenantes. Nos interactions numériques produisent des traces dont le caractère semble être un gisement de (promesses) de richesses considérables. Ainsi, « l’humanisme numériqueserait en train de constituer une nouvelle civilisation c’est-à-dire une nouvelle conditiond’existence avec son lot de transformations des catégories, des valeurs, des relations, des objets, des représentations, des territoires et des pratiques » (Vinck, 2016). Ces transformations génèrent des réalités qui affectent et interrogent les organisations privées, publiques, associatives et territoriales.
Dans cet appel à communication, nous partons du postulat que les humanités numériques constituent une démarche interdisciplinaire propre à interroger les dispositifs de l’IA des organisations. Le caractère naturellement pluridisciplinaire del’IA et de son mode d’analyse, les humanités numériques, font que les SIC sont pertinentes pour questionner cet objet dans les organisations. Faut-il rappeler que les SIC sont historiquement une interdiscipline qui interroge depuis quelques temps déjàl’IA (Bonnet, 2015 ; Canet, Trans, 2017 ; Jordan, 2018, Julia, 2019) et les humanités numériques (Boullier, 2015 ; Domenget, Bonaccorsi, Carayol, 2016 ; Verlaet 2017 ; Longhi 2017 ; Compagno 2017).
Ces méthodes originales doivent associer des études quantitatives et des enquêtes qualitatives pour interpréter des objets de recherche propres aux SIC.
Ainsi, cet appel à communication cherche à :
– Enrichir le cadre théorique et méthodologique de l’IA étudiée à travers le prisme des SIC dans une démarche critique des humanités numériques. L’objectif estde proposer une approche réflexive pour nourrir la (les) définitions de l’IA dansle champ des organisations. L’appellation même d’IA pose question car elle assure une confusion autour du terme intelligence perçu dans sa nature humaine, et sa représentation « artificielle », très souvent computationnelle. Sur un autre plan, sommes-nous à un tournant des SHS susceptible de développer
un imposant corpus de recherche scientifique qui vise à décrire, expliquer et comprendre la complexité de certains objets ?
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– Interroger par des études de cas leur nature réelle, ce que cela représente et génère dans les organisations où ces réalités sont déployées : Dans quellemesure les interactions entre les humains et les dispositifs d’IA dans uneorganisation affectent, modifient la relation de communication ? Engager une démarche critique et distanciée du phénomène (Benasayag, 2016) ; Les organisations peuvent être questionnées comme des espaces de conception,de diffusion et d’interaction et aussi, selon des rapports de prescription, activitéet logiques d’acteurs qui posent la problématique du sens que les acteursdonnent à leurs activités (Baya-Lafitte, J. Beaude, B., Garrigues, J., 2018 ;Benbouzid, 2018 ; Bullich, 2018).
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– Analyser l’évolution, la transformation et la reconfiguration des pratiques professionnelles impactées par l’IA. Sont revisitées différentes compétences dans diverses disciplines telles que le management, les médias, les relations publiques, la publicité, la documentation, l’informatique (Kiyindou, 2019; Jammet, 2018 ; Okamba, 2018 ; Pignard-Cheynel, Amigo, 2019).
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– Enfin, interroger les enjeux juridiques et éthiques actuels sur l’impact et la régulation à mettre en œuvre autour de l’IA par les États et les organisations (Quével, 2019).
Bibliographie
Baya-Lafitte, J., Beaude, B., Garrigues, J. (2018), « Le deep learning au service de la prédiction del’orientation sexuelle dans l’espace public. Déconstruction d’une alerte ambiguë », Réseaux 2018/5 (n° 211), 137-172.
Benasayag, M. (2016), Cerveau augmenté, homme diminué, Paris, La Découverte. Benbouzid, B., Cardon, D. (2018), « Machine à prédire », Réseaux 2018/5 (n° 211), 9-33.
Beuschart, J.S., Flichy, P. (2019), « Les activités menées sur les plateformes numériques – 11»,
Réseaux 2019/1 (n° 213), 9-15.
Bonnet, J. (2015), « L’intelligence du social dans les organisations », Communication & Organisation, n° 47, 62-74.
Boullier, D. (2015), « Vie et mort des sciences sociales avec le big data », Socio, n° 4, 19-37. Bullich, V. (2018), « Grandeur et décadence de l’édition prédictive. Retour sur l’intégration manquée
d’une « machine prédictive » au sein d’une maison d’édition », Réseaux, 2018/5 (n° 211), 257-290.
Canet, E., Trans, S. (2017), « Quel est le rôle du substrat technique dans l’appropriation d’uneinnovation managériale ? Une analyse longitudinale d’une méthode innovante », Management international, vol. 21, n° 4, 28-47.
Cardon, D., Cointet, J.-P., Mazières, A. (2018), « La revanche des neurones. L’invention des machinesindictives et la controverse de l’IA », Réseaux 2018/5 (n° 211), 173-220.
Chapuis, R. (2018), « Les impacts de l’intelligence artificielle sur l’emploi : comment favoriser lacomplémentarité avec l’humain et faire émerger de nouveaux types de métier ? » Enjeux numériques, no 1, mars 2018, 37-43.
Compagno, D. (2017), « Signifiant et significatif. Réflexions épistémologiques sur la sémiotique etl’analyse des données », Questions de communication, 31(1), 49-70.
Dacos, M., Mounier P. (2014), Humanités numériques. État des lieux et positionnement de la recherche française dans le contexte international, Paris, Institut français/ministère des Affaires étrangères.
Domenget, J.-C., Bonaccorsi J., Carayol, V. (2016), Introduction au dossier “Humanitésnumériques et SIC”, Revue française des sciences de l’information et de la communication[Online], 8 |.
Doueihi, M. (2015), « Quelles humanités numériques ? », Critique, 819-820,704-711.
Guével, D. (2019), « Intelligence artificielle et décisions juridictionnelles », Quaderni [En ligne], 98 |
Hiver 2018-2019, mis en ligne le 05 février 2019
Jammet, T. (2018), « Vers une communication de marque dictée par les algorithmes Les relations
publiques 2.0 face aux Big Data », dans Communication & Organisation, n° 54, 93-105
Jordan, M. (2018), « Artificial Intelligence: The Revolution hasn’t happened yet », Medium, April 19.
Julia, L. (2019), L’intelligence artificielle n’existe pas, Paris, Éditions First, un département d’Edi8.
Kiyindou, A. (2019), Intelligence Artificielle Pratiques et enjeux pour le développement, Paris, L’Harmattan.
Longhi, J. (2017), « Humanités numériques : des corpus au sens, du sens aux corpus », Questions de communication, 31(1), 7-17.
Meunier, J. (2017). « Humanités numériques et modélisation scientifique », Questions de communication, 31(1), 19-48.
Okamba, E. (2018), Transition digitale et reconfiguration des métiers dans les organisations : le rôledu Manager de Transition. 20e Université de Printemps de l’audit social de l’Institut International de l’audit social: Face aux enjeux actuels comment réussir la transformation des organisations: l’apport de la fonction RH et de l’Audit social, May 2018, Gosier-Guadeloupe, France.
Pignard-Cheynel, N., Amigo L. (2019), « Le chargé des réseaux socio-numériques au sein des médias. Entre logiques gatekeeping, marketing et participative », Réseaux, 2019/1 n°213, p139-172.
Varela, F. (1988), Invitation aux sciences cognitives, Paris, Seuil.
Verlaet, L. (2017), « Introduction: Enjeux et apports des recherches en humanités numériques », Les
Cahiers du numérique, vol. 13(3), 9-18.
Vinck, D. (2016), Humanités numériques. La culture face aux nouvelles technologies, Paris, Cavalier bleu édtions.
Calendrier prévisionnel
• 30 septembre 2019: réception des articles au format de la revue• 30 novembre 2019 : retour aux aux auteurs
• Début février 2020 : dépôt des versions corrigées
• Mi-mars 2020 : retour des modifications
• Novembre-décembre 2020 : sortie du numéro
Recommandations aux auteurs :
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– Le format des articles est de 35 000 signes espaces inclus.
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– Les envois doivent se faire au format word avec le prénom et le nom du
premier contributeur dans le nom du fichier.
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– Chaque article est évalué de façon anonyme par deux experts
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– Les articles doivent respecter les normes de la revue, consultables sur :
http://revue-communication-management-eska.com/contribuer/normes-de-
redaction
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– Les communication doivent parvenir au plus tard le 30 septembre 2019 àl’adresse suivante : iaetorganisationlarevue@gmail.com
* La revue fait partie de la « Liste des revues qualifiantes du domaine Sciencesde l’information et de la communication (SIC) »
Les informations sont également accessibles sur : http://revue-communication- management-eska.com/contribuer/appel-n-2-2020