[AAA] Le tournant design face à la communication : Inscriptions socio-économiques, défis théoriques et nouveaux enjeux
Coordonné par Fabien Bonnet (Cresat, UHA), Fabienne Martin-Juchat (Gresec, UGA)
Appel à contributions pour la revue ATIC
Approches Théoriques en Information-Communication
https://www.cairn.info/revue-approches-theoriques-en-information-communication.htm?contenu=apropos
Depuis une dizaine d’années, l’institutionnalisation des pratiques de design est apparue comme une forme de réponse apportée dans les organisations à des injonctions toujours formulées en termes de compétitivité́ et d’innovation. En 2021 en France, selon la Banque Publique d’Investissement (BPI) « Le design serait le levier de la compétitivité́ ». Ces pratiques seraient caractérisées par une forme de réflexivité́ (Schön, 1983), laquelle trouve une forme d’expression marquante dans la richesse des travaux de recherche développés à l’échelle internationale dans le cadre des Design Studies et, en France, avec une ambition épistémologique marquée, dans celui des Sciences du Design (Vial & Findeli 2015). Mais que ce soit en termes de complexité́ des projets à mener (Buchanan, 1992), en termes de signification attribuée par les publics à ce projet (Krippendorff, 2005 ; Verganti, 2008) ou en termes d’amélioration de l’« habitabilité́ du monde » (Findeli, 2010), ces travaux semblent témoigner d’une même intention de renouveler les processus de conception en particulier par des approches centrées sur les usagers, lesquelles pourront même être envisagées, en contexte organisationnel, en termes de management des parties prenantes.
Les pratiques design – disons les designs (design graphique, scénique, management, d’objets, etc.) – permettraient de mieux prendre en compte les problèmes rencontrés, les attentes, dont celle de l’usager, son besoin social d’engagement, en lui proposant, à des degrés divers, d’être acteurs des projets (Berrebi-Hoffman, Bureau & Lallement, 2018 ; Özdirlik & Pallez 2017). Partant d’une prise en compte des dimensions sociale et anthropologique, les projets développés dans le cadre de ce type de démarche seraient en mesure de « mieux » configurer notre environnement, la vie privée, professionnelle et publique et, à ce titre, les sociétés modernes dans leur ensemble. Porteurs de ces dimensions à la fois collaborative et utopique, ils seraient davantage porteurs d’innovations, assurant notamment des fonctions de communication (Darras, Vial, 2017 ; Bonnet, Mitropoulou, Wilhelm, 2019).
Alors que le design n’est plus cantonné à la conception de produits industriels, la part croissante du secteur tertiaire dans les économies occidentales peut représenter un élément de contexte favorable à sa pratique en organisation. Dans ce contexte, l’intérêt pour le design peut être lié à sa capacité́ à expliciter les projets, à faire coopérer différents types d’usagers, autour de la conception d’objets, de technologies, de services devenus des médiateurs voire des acteurs partenaires de nouvelles expériences à forte valeur ajoutée émotionnelle (Martin- Juchat, 2017). Il est aussi lié à une recherche de désirabilité voire à celle d’un « ré-enchantement » de la communication (Stiegler, 2014/2008).
Dans cette perspective, l’intégration des pratiques de design dans les contextes industrialisés (Miège, 2017), afin de s’adapter aux particularités anthropologiques et socio- psychologiques des usagers, semble devoir être analysée aux regards des pratiques et des modèles développés en communication depuis plus de 20 ans. Ce virage vers des pratiques qui seraient centrées sur les usagers, poussant les acteurs à considérer ces derniers dans leur complexité́, incluant différents niveaux d’intégration, d’assignation et de normalisation n’a-t-il pas été revendiqué par des approches centrées usagers dès les années 80 (Barcenilla, Bastien, 2009 ; Paquienséguy, 2019) ? Ce potentiel du ou des designs à aborder conjointement les dimensions ontologique, pragmatique et prescriptive des processus de conception est particulièrement mobilisé dans le cadre de projets comme ceux visant la diffusion de nouvelles technologies.
L’analyse des manières sensibles, tacites, corporelles de construire des relations avec les usagers dans les pratiques de conception, parfois via de nouvelles matérialités techniques, représente une contribution nécessaire à la compréhension des économies contemporaines ainsi qu’à l’évolution des modèles de relations aux publics (Polanyi, 2009). Avons-nous les modèles théoriques pour penser ces évolutions ? Comment ces dernières s’inscrivent-elles, dans des perspectives théoriques fondatrices : théories critiques, modèles de relations publiques, approches communicationnelles des organisations, anthropologie par la communication affective, approches constitutives des organisations ?
Que penser notamment de ces nouvelles dynamiques dans des contextes de sociétés en crise ? Les designs, dont les démarches de co-design, dans leur diversité́ et dans leur affirmation commune, s’inscrivent-ils dans des dynamiques de radicalisation de logiques de rationalisation, d’industrialisation et de scénarisation de « l’usager » à des fins marchandes, précédemment mises en exergue (Martin-Juchat, Staii, 2016) ou bien préfigurent-ils un renouvellement des pratiques, des acteurs et des processus d’innovation ? Les nouvelles propositions théoriques issues des SIC comme celles analysant la démarche du design à l’intersection du design d’artefact et de relation (Zacklad 2017) ou positionnant le design comme médiateur entre humanités et ingénierie (Gentes 2017) sont-elles susceptibles de faciliter le travail interdisciplinaire dans les projets de conception et en particulier d’éclairer la coopération entre designers et SHS ?
Les orientations de recherche s’articulent autour de quatre grands axes de recherche, présentés ci-dessous. Chacun de ces axes peut être abordé dans une perspective micro, méso ou macro et avec une orientation empirique ou théorique. Les approches interdisciplinaires sont les bienvenues.
Les articles peuvent être rédigés en français ou en anglais.
Les propositions devront intégrer les principaux axes de questionnements résumés de la façon suivante :
- De la communication aux pratiques de design via l’évolution des matérialités, des techniques :
- Quelle place pour les matérialités dans le glissement de la communication aux designs ?
- Comment les innovations en matière de TIC et de IoT remodèlent-elles les pratiques et les théories en communication et en design ?
- Quelles évolutions des modèles d’information, de communication et d’action par la pratique : tacites, affectifs, implicites, corporels ?
- Quelle place, quels rôles et quels statuts négociés pour le design et la communication en organisations ?
- « Quelles tendances émergent-elles en matière de gestion des designs dans les projets d’innovation et de communication, notamment en termes d’assignation et de compétences métiers ?
- Comment l’impact du design dans les pratiques d’innovation et de communication évolue-t-il ?
- Designs et communication dans les organisations : Diversité des pratiques ? Convergence des modèles ?
- Le tournant utilisateur : Quels enjeux spécifiques et quel bilan pour les approches co-design ?
- Quelles nouvelles formes de la convergence entre communication, design et innovation dans des contextes en tension ?
- Quelles sont les nouvelles stratégies des acteurs, les logiques de coopération pour s’adapter à des environnements info-communicatifs complexifiés par de nouveaux enjeux ?
Calendrier d’évaluation des propositions :
- 7.11.2021 : Remise des propositions d’intention synthétique (5000 caractères max) à :
- revue@revue-atic.fr
- Fabienne.martin-juchat@univ-grenoble-alpes.fr et
- fabien.bonnet@uha.fr
- 28.11.2021 : Retour sur l’acceptation des résumés
- 30.01.2022 : Remise des propositions finales retenues selon les normes de la revue ATIC
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English Version
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The Design Turn Facing Communication:
Socio-Economic Inscriptions, Theoretical Challenges and Emerging Questions
Coordinated by Fabien Bonnet (Cresat, UHA), Fabienne Martin-Juchat (Gresec, UGA)
Call for papers
Over the last ten years, the institutionalization of design practices has become dominant within organisations which was meant to address issues of competitiveness and innovation. In France, according to the “Banque Publique d’Investissement” (BPI) “Design will be the lever of competitiveness” in 2021. Design practices can be characterised by a form of reflexivity (Schön, 1983), which is reflected in the mounting international research output in the context of Design Studies and, in France with a marked epistemological ambition, in the context of “Sciences du Design” (Vial & Findeli 2015). These works show the intention to renew conception processes, in particular through user-centered approaches, and address questions related to the complexity of design projects (Buchanan, 1992), the attributed significance by the public (Krippendorff 2005, Verganti 2008), or the “habitability of the world” (Findeli, 2010). This is of special interest for stakeholder management in organisational contexts.
Design practices – or “designs” (graphic design, stage design, product design, design management, etc.) – allow to efficiently address encountered problems and meet expectations – especially those of the user, and his or her social need for engagement, by offering the possibility to participate in the conception process (Berrebi-Hoffman, Bureau & Lallement, 2018; Özdirlik & Pallez 2017). By their social and anthropological dimensions such frameworks are constructed to enhance our private, professional and public life and consequently modern societies as a whole. Such collaborative and utopian dimensions are supposed to be conducive to innovation, in particular by assuring the different functions of communication (Darras, Vial, 2017; Bonnet, Mitropoulou, Wilhelm, 2019). Design is no longer limited to industrial products. The growing importance of the tertiary sector in Western economies seems to promote design practices in organisations. It seems reasonable to link the interest in design to its ability to illustrate projects and to bring different types of participants together. This gets significant regarding the design of objects, services and technologies, which have become mediators or even partners via new experiences with high emotional added value (Martin-Juchat, 2017). Therefore, design through emotion is considered to serve the “re-enchantment” of communication (Stiegler, 2014/2008).
The integration of design practices in industrialised contexts (Miège, 2017), that is meant to address the anthropological and socio-psychological characteristics of users, needs to be analysed in the light of recent communication theories. Has the shift towards user-centered practices not been claimed since the 1980s (Barcenilla, Bastien, 2009; Paquienséguy, 2019)? The potential of design to simultaneously address the ontological, pragmatic and prescriptive dimensions of conception processes is particularly used in projects that address the diffusion of new technologies.
The analysis of sensitive, tacit and corporal ways of building relations with users in design practices (sometimes via new technical tools) represents a necessary contribution to the understanding of today’s economies and to the evolution of public relations models (Polanyi, 2009). Do we have the theoretical models to think about these evolutions? How do they fit into fundamental theoretical perspectives: critical theories, public relations models, communicational approaches to organisations, anthropology through affective communication, and constitutive approaches to organisations?
In particular, how do these dynamics inscribe themselves in the context of societies in crisis? Do designs, in their diversity and in their common values, fit into the dynamics of radicalizing rationalization, industrialization and modelling of “users” for commercial purposes (Martin-Juchat, Staii, 2016) or do they renew practices, actors and innovation processes? New theoretical proposals in Information and Communication Sciences (ICS), such as those analyzing design at the intersection of artefact and relationship design (Zacklad 2017) or positioning design as a mediator between humanities and engineering (Gentes 2017), are they likely to facilitate interdisciplinary work in design projects and to shed light on the cooperation between designers and social sciences?
The research focus revolves around four main axes as presented below. Each of these axes can be approached via a micro, meso or macro perspective and with an empirical or theoretical orientation. Interdisciplinary approaches are welcomed.
The main axes of reflection are as follows:
- From communication to design practices via the evolution of materials and techniques:
- What is the role for materiality in the shift from communication to design?
- How do ICT and IoT innovations reshape communication and design practices and theories?
- What will change for information-, communication- and action-models through practice: notably the tacit, affective and corporal dimensions?
- Which roles and negotiated status for design and communication in organisations?
- What are emerging trends of design management in innovation and communication projects, particularly in terms of assignment and professional skills?
- How is the impact of design in innovation and communication practices evolving?
- Designs and communication in organisations: Diversity of practices? Convergence of models?
a)The user-centered turn: What are the specific challenges and results of co-design approaches?
- What are new forms of convergence between communication, design and innovation in contexts of tensions?
- What are new strategies of actors and logics of cooperation to adapt to info- communicative environments complexified by new challenges?
The deadlines will be as follows:
– 7.11.2021: Submission of a one-page abstract (5000 characters maximum) to :
– 28.11.2021: Feedback on the acceptance of the abstracts
– 30.01.2022: Submission of the final texts according to the ATIC journal.
Indicative Bibliography
Barcenilla, J., & Bastien, J. (2009). L’acceptabilité des nouvelles technologies : quelles relations avec l’ergonomie, l’utilisabilité et l’expérience utilisateur ? Le travail humain, 311-331. https://doi.org/10.3917/th.724.0311
Berrebi-Hoffmann, I., Marie-Christine, B., & Lallement, M. (2018). Makers: Enquête sur les laboratoires du changement social. Paris: Éditions du Seuil.
Borja de Mozota, B. (2018). Quarante ans de recherche en design management : une revue de littérature et des pistes pour l’avenir. Sciences du Design, 28-45. https://doi.org/10.3917/sdd.007.0028
Buchanan, R. (1992). Wicked Problems in Design Thinking. Design Issues, 8(2), 5. https://doi.org/10.2307/1511637.
Darras, B., & Vial, S. (Eds.). (2017). MEI (Médiation et Information). Design et communication, 40.
Bonnet, F., Mitropoulou, E., & Wilhelm, W. (Eds.). (2019). Design et fonction communication : Rencontre et esquisses paradigmatiques autour de la relation au public. Interfaces numériques, 1(19).
Findeli, A. (2010). Searching For Design Research Questions: Some Conceptual Clarifications. In R. Chow, W. Jonas, & G. Joost, Questions, Hypotheses & Conjectures: discussions on projects by early stage and senior design researchers (pp. 286-303). iUniverse éd.
Gentes, A. (2017). The In-Discipline of Design : Bridging the Gap Between Humanities and Engineering. Springer International Publishing. https://doi.org/10.1007/978-3-319- 65984-8
Krippendorf, K. (2005). The Semantic Turn: A New Foundation for Design. Boca Raton: CRC Press.
Martin-Juchat, F., & Staii, A. (2016). L ́industrialisation des émotions. Vers une radicalisation de la modernité? Paris: L ́Harmattan.
Miège, B. (2017). Les industries culturelles et créatives face à l ́ordre de l ́information et de la communication. Grenoble: PUG.
Özdirlik, B., & Pallez, F. (2017). Au nom de l’usager : co-concevoir la relation au public dans une mairie. Sciences du Design, 5, 69-84.
Paquienséguy, F. (2019). L’usage, de l’appropriation au design. Ocula, 20. https://doi.org/10.12977/ocula2019-9.
Polanyi, M. (1966/2009). The Tacit Dimension. London: UCP (1st Ed. 1966).
Stiegler, B. (2014). The Re-Enchantment of the World. The Value of Spirit Against Industrial Populism. Trad. Arthur Trevor. London: Bloomsbury Academic (1st Ed. 2008).
Schön, D. A. (1983). The Reflective Practitioner: How Professionals Think in Action. NY: Basic Books.
Vial, S., & Findeli, A. (Eds.). (2015). Quelles sciences du design ? Sciences du Design, 1.
Verganti, R. (2008). Design, Meanings, and Radical Innovation: A Metamodel and a Research Agenda. Journal of Product Innovation Management, 25(5), 436-56. https://doi.org/10.1111/j.1540-5885.2008.00313.x.
Zacklad, M. (2017). Design, conception, création vers une théorie interdisciplinaire du design. In Wikicréation. https://wikicreation.fr/interdisciplinarite-et-creation/ 26.02.21 6