[AAC] Enjeux éthiques du numérique en santé

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Appel à communication Journée d’Etude 20 novembre 2020
Proposé par l’Axe Santé et l’équipe Organicom du LERASS – Université de Toulouse 

L’utilisation croissante des technologies numériques dans le domaine de la santé pose question. Si les avancées de la recherche médicale en termes de compréhension des maladies et de développement de traitements sont signifiantes, des effets contre-productifs de la technique sur l’organisation des pratiques de soins sont observés (Dujarier, 2017) : accroissement des rythmes de travail, qualité des soins parfois controversée, professionnels de la santé parfois dispersés par l’utilisation des objets techniques, etc.

Les études en Evidence-Based Practice conçues « comme une méthodologie explicite de recherche des meilleures preuves disponibles pour résoudre un problème clinique » à partir de bases de données jugées « probantes » prennent dorénavant en compte l’utilisation d’algorithmes en tant qu’ « aide à la décision ». Ces derniers, définis comme un « ensemble de règles opératoires propres à une démarche de calcul » résolvent certains types de problèmes (Rouet, 2019, p.239). Ils ont, entre autres, pour particularité d’analyser rapidement une multitude de données (graphiques, textuelles, imagerie…) tout en apprenant de ces dernières, selon le principe du deep learning .

En santé, leur utilisation concerne par exemple l’aide au diagnostic, aux choix thérapeutiques et aux pronostics, la surveillance et la veille sanitaire, la pharmaco surveillance, dans le but d’obtenir un gain d’efficience des personnels de santé (ajustement des moyens de travail, libération de temps médical…). L’élaboration de ces nouvelles connaissances algorithmiques traduit la volonté d’une partie du corps médical de « continuer à apprendre au fil du temps 3» pour trouver de nouveaux traitements, comprendre des «sous-population de patients», améliorer les prise en charge, en référence aux modèles des études en Evidence-Based Practice.

Les algorithmes participent ainsi «à une certaine dépossession de la décision pour le décideur : la part de l’intuition, de l’émotion, de la créativité (…) parfois difficile à assumer dans le cadre des décisions publiques » (Rouet, 2019, p.20). La légitimité de ces compléments d’informations et d’analyses algorithmiques concerne « leurs performances en termes de vitesse et de capacité à prendre en compte un très grand nombres d’informations, dans l’automaticité et la vérité du traitement, voire son équité » (ibid., p.21). Le recours aux algorithmes dans la considération de la santé n’échappe cependant pas à la critique générale de l’outil, en termes, notamment de biais de conception, lesquels peuvent traduire des jugements de valeurs ou aprioris des concepteurs. Ainsi, la manière dont un algorithme est susceptible de moins considérer les Noirs que les Blancs dans l’accès à des programmes destinés à améliorer

Une réflexion sur les enjeux politique et économique de la numérisation de la santé s’impose. Qu’induit ce changement de paradigme dans la construction de savoirs médicaux et dans leur mobilisation pour l’élaboration de la trajectoire de soins des patients ? Quelles pratiques, issues de quelles conceptions de la santé pour les professionnels et les usagers ? Quels sont les bénéfices de cette numérisation et pour qui ? Quelles données sont recueillies et stockées ? Qui y a accès ?

L’objectif de cette journée d’étude est de questionner les enjeux -notamment place et rôle- de l’utilisation des technologies numériques et de l’intelligence artificielle dans le secteur médical, en institution et au domicile des individus, au regard des valeurs fondatrices de la République et garantes d’une démocratie sanitaire (Routelous, 2008) : justice, équité, non-malfaisance, autonomie des personnes et respect de la vie privée.

Cette journée d’étude ambitionne de fédérer plusieurs disciplines autour du concept de « Patient-Données » sur l’évolution des savoirs dans un contexte de numérisation de la santé et de ses conséquences sur l’ensemble des acteurs potentiellement concernés par l’implémentation des technologies.

 

 

Trois axes de réflexion sont envisageables :

  1. Les nouvelles formes de savoir et de prises de décision transforment en partie les pratiques médicales. Comment éclairer le diagnostic médical et accompagner les patients dans leurs trajectoires de soins ? A travers quels savoirs : savoirs de connaissance, savoirs de croyance (Charaudeau, 2002) savoirs expérientiels (Gardien, 2018) ? Quels sens et finalités donner à la mobilisation et au développement des savoirs algorithmiques ?

  2. Les logiques de rationalisation des systèmes de soins (Bonneville, 2005) et leur déclinaison en France (Routelous, 2013) amènent à s’interroger sur les bénéfices attendus et sur les limites des « solutions » technologiques répondant à ces logiques. On étudiera, ici, les enjeux des injonctions de recours à des « solutions » techniques. On considérera également les conséquences de ces dispositifs sur l’élaboration de la trajectoire de soins des patients et la prise en compte, ou non, de leurs besoins et attentes. On se concentrera enfin sur les professionnels de la santé. Comment évoluent leurs pratiques, leur métier? Quel regard portent-ils sur ces transformations ?

  3. Un troisième axe concernera la collecte et la gestion des données numériques en santé et leur utilisation. Quels types de données sont collectés ? Dans quelles finalités ? Quelles conditions de recueil, de traitement et d’analyses de ces données sont mises en œuvre ? Comment sont-elles conservées et sécurisées ? Quelles sont les enjeux et limites des politiques de protection des données personnelles ?

Les propositions de communication sont attendues sous format .doc, ou .odt jusqu’au 30 septembre 2020, sous forme d’un résumé d’environ 5000 signes hors bibliographie présentant l’approche disciplinaire et les adossements théoriques, la question de recherche, la méthodologie mise en œuvre et des résultats d’analyse.

Elles devront être adressées à :

Elizabeth Bougeois : elizabeth.bougeois@univ-tlse2.fr,

Hélène Germain : helene.germain2@gmail.com.

Les documents doivent impérativement préciser, pour chaque auteur, le nom, le statut, l’organisation ainsi que les coordonnées (téléphone, adresse électronique).

Les réponses seront envoyées par mail à la date du 21 octobre 2020.

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Bibliographie

Bonneville, L. (2005). La transformation des organisations de soins et du travail médical par le recours à l’information au Québec : Une analyse critique. Communication et organisation, N°26, 201-222. Consulté à l’adresse : https://doi.org/10.4000/communicationorganisation.3291

Dujarier, M.-A. (2017). Le management désincarné. Paris : La Découverte/Poche.

Rouet, G. (2019). Algorithmes et décisions publiques. Les essentiels d’Hermès, Paris : CNRS Editions.

Routelous, C. (2008) La démocratie sanitaire à l’épreuve des pratiques médicales : sociologie d’un modèle participatif en médecine. Sciences de l’Homme et Société. Paris : École Nationale Supérieure des Mines. Consulté à l’adresse: https://pastel.archives- ouvertes.fr/pastel-00005246/document

Routelous, C. (2013). L’hôpital à l’épreuve de la performance économique : Doctrines, instruments et hybridations des valeurs. Quaderni. Communication, technologies, pouvoir, (82), p. 5-16. Consulté à l’adresse : https://doi.org/10.4000/quaderni.735page5image1795230256

Charaudeau, P., Maingueneau, D., Adam, J., Bonnafous, S., & Boutet, J. (2002). Dictionnaire d’analyse du discours. Paris: Éditions du Seuil.

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Gardien, È. (2019). Les savoirs expérientiels : entre objectivité des faits, subjectivité de l’expérience et pertinence validée par les pairs. Vie sociale, 25-26(1), p. 95-112.

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