[AAC] Lieux collectifs à usage mixte
Les lieux collectifs mêlant habitation et pratiques d’autoproduction, de travail, de lutte ou de création sont régulièrement abordés ces dernières années, en particulier dans les recherches portant sur l’engagement écologiste. Les communautés intentionnelles s’installant en milieu rural (Hervieu-Léger, 1979 ; Leblay, 2020), les ZADs (Dechézelles, 2017 ; Pruvost, 2021 ; Verdier, 2021) et les lieux de lutte s’en approchant (Corroyer, 2023) sont ainsi étudiés. Les recherches soulignent que ces lieux collectifs s’inscrivent dans une recherche de subsistance (Mies & Bennholdt, 2022) ou d’entre-subsistance (Pruvost, 2021), qui met souvent au centre la question des communs (Federicci, 2022) ou du commun (Dardot & Laval, 2015 ; Jourdain, 2021 ; Verdier, 2021). L’engagement au sein de ces lieux se caractérise par une politisation du moindre geste (Pruvost, 2015) et une critique en acte de la vie quotidienne (Pruvost, 2017), permettant d’analyser ces espaces comme des politiques préfiguratives (Yates, 2015 ; Jeanpierre, 2022) : il s’agit de mettre en œuvre ici et maintenant, le changement que l’on souhaite voir advenir, tout en aspirant à la diffusion de ce modèle.
Ainsi, les lieux collectifs peuvent également être abordés comme des « maisonnées », dans lesquelles le lieu et l’unité de vie ont un rôle actif dans la production et la reproduction (Pruvost, 2021). Ces pratiques désessentialisent donc les notions de vie privée, de loisirs et de travail (Pruvost, 2021) et déplacent le politique à l’échelle d’une communauté locale (Dardot & Laval, 2015) dans un processus de relocalisation du politique (Jeanpierre, 2019). De même, les « réseaux d’interconnaissances » dans lesquels sont encastrés ces maisonnées permettent par des trocs, des dons/contre-dons ou des circuits courts de s’autonomiser en partie des systèmes marchands de production internationalisés (Pruvost, 2021). Cette économie de l’interconnaissance est souvent informelle, et s’effectue dans ce cas en marge du contrôle étatique.
Les habitants et habitantes de ces lieux collectifs, en présentant souvent leurs motivations comme écologistes, encouragent sans doute la recherche à inscrire ces pratiques en résonance avec d’autres types d’utopies (Wright, 2020) écologistes ou d’autoproduction, souvent situées en milieu rural. Pourtant, il nous semble intéressant de dépasser le seul critère écologique et la rupture entre lieux (néo) ruraux et lieux urbains, pour étudier de concert, des lieux collectifs qui se caractérisent précisément par ce mode d’engagement politique particulier. De même, si l’écoféminisme permet de comprendre certaines filiations (Pruvost, 2021), des recherches montrent que certaines personnes présentent aujourd’hui comme écologistes des pratiques qui sont parfois bien plus anciennes que leur conscience de cet enjeu, et ont été relues récemment à l’aune de cet engagement (Blanc, 2023). Ainsi, le bricolage, l’entraide entre voisins et voisines, ou le potager, aujourd’hui qualifiés d’écologiques, font partie de modes de subsistance répondant aussi à des impératifs économiques et s’inscrivant dans des modes de sociabilités des classes populaires (Hugues, 2022). D’autres filiations méritent ainsi d’être soulignées, comme les « milieux libres » du XIXe siècle, où des anarchistes cherchaient à « vivre sans exploiter ni être exploité » (Steiner, 2016). Aujourd’hui, l’influence anarchiste-autonome (Dupuis-Déri, 2018) dans certains mouvements d’occupations — ZADs (Verdier, 2021), squats (Robineau, 2022) — apparaît non négligeable.
En parallèle, certaines recherches évoquent un « âge de l’occupation » (Cervera-Marzal, 2022) et suggèrent d’embrasser d’un même regard les différentes formes que celles-ci peuvent prendre, envisagées cette fois à travers le prisme des mobilisations (Dechézelles & Olive, 2019). Ainsi, l’occupation peut être appréhendée comme un élément du répertoire d’action des protestataires parmi d’autres, mais participe aussi à la création d’un espace qui produit en retour des choses sur les participants et participantes (Combes, Garibay & Goirand, 2015), et accompagne souvent l’action politique tournée vers l’extérieur (Polletta, 1999).
L’objectif de ce séminaire est de faire dialoguer des chercheurs et chercheuses travaillant aussi bien sur des communautés intentionnelles néorurales, que sur des ZADs, des squats urbains, des occupations de places, d’universités ou encore de ronds-points. Il s’agira de ne pas nous limiter aux mobilisations écologiques et de dépasser les frontières entre rural et urbain (Jean &Périgord, 2017 ; Lussault, 2013, 2016). L’étude de ces lieux collectifs nous permettra de comprendre comment les pratiques et usages spécifiques qui s’y déploient peuvent être vecteurs de socialisations politiques particulières (Dechézelles & Olive, 2019 ; Corroyer, 2023).
Par ailleurs, si l’idée d’une carrière occupante a été soulignée (Dechézelles, 2017), il est fréquent de constater qu’au cours d’une trajectoire, les individus passent de l’un à l’autre de ces lieux. Ainsi, des squatteurs et squatteuses urbaines s’installent ensuite à Notre-Dame-des-Landes (Bulle, 2020 ; Verdier, 2021) ou à Bure, où l’on retrouve également des membres de Nuit Debout, ou d’occupations d’universités (Corroyer, 2023). Le fait que l’on retrouve des pratiques proches, un mode d’engagement similaire, et parfois les mêmes individus, ou des profils proches entre ces différents lieux, nous conduit à souhaiter étudier ces espaces conjointement, afin d’observer, par la comparaison, ce qu’ils ont de similaire et au contraire de spécifique. L’ambition sera de saisir ce que l’engagement par le lieu produit en termes de rapport au politique, dans des espaces qui croisent les usages relevant traditionnellement du privé, du public ou du politique.
Axe 1 – Définition du politique et combinaisons entre différents types de stratégies
Cet axe s’intéressera aux divergences, conflits et consensus dans la définition de ce qui est politique ou non, à l’intérieur des lieux étudiés, mais aussi entre différents lieux. Les espaces sur lesquels porte ce séminaire ont pour caractéristiques de mêler différents usages : production agricole, artistique, militantisme, habitation, etc. Dans ce séminaire, nous étudierons les variations d’agencement de ces types d’activités. Par exemple, comment articuler dans un même espace fonctions d’habitation et de production agricole ou artistique ? Existe-t-il des tensions similaires, dans ces lieux a priori différents, entre ce qui relève de stratégies utopiques interstitielle, de rupture ou symbiotique — (Wright, 2020) ? Ou encore dans la manière de percevoir l’occupation : échapper à la domination, créer des alternatives ou lutter (Bulle, 2020) ? Il s’agira donc d’étudier les différentes combinaisons entre plusieurs priorités et formes du politique (Yates, 2015) données à voir par ces lieux. Quelles tensions entre ces différents usages et rapports à l’espace émergent au sein des collectifs, et entre les collectifs ? Comment ces tensions se manifestent-elles et se résolvent-elles (ou non) ? Au contraire, quelles sont les conditions de félicité au sein d’un tel lieu collectif ?
De tels lieux sont également traversés par des enjeux proches dans la question de la lutte contre les rapports de pouvoir à l’œuvre. Des rapports d’autorité liés aux différences de capitaux peuvent ainsi émerger (Verdier, 2021), par exemple autour de la question de l’ancrage local de certains individus du groupe (Leblay, 2020). De même, la capacité à appréhender les évènements en termes de stratégies (Bulle, 2020) dépend fortement de la possibilité ou non de se projeter dans l’avenir, liée également aux différences de capitaux (Jeanpierre, 2022, p.229).
Enfin, quels sont les enjeux de pouvoir dans la définition interne du politique ? En effet, si les différents lieux collectifs sont porteurs d’une critique en acte de la vie quotidienne, cette critique porte sur des aspects bien différents en fonction des contextes et des trajectoires sociales de ses membres. En portant notre focale au niveau micro, il s’agira d’étudier précisément quels sont les actes jugés politiques, au sein de chacun de ces lieux. Considère-t-on le fait de récupérer dans les poubelles comme politique au même niveau dans un squat urbain et dans un lieu néorural, par exemple ? Et si de mêmes actes sont politiques, ont-ils pour autant exactement la même place au sein de la hiérarchie normative propre au collectif ? Ainsi, il s’agira d’observer quels aspects du quotidien sont politisés ou politisables, qui décide du fait qu’ils puissent être politisables, et quels sont les conflits autour de la définition de ce qui est politique (Douat, 2022).
À ce titre, si la sociologie a largement montré que les actes étaient ici aussi politiques que les discours, s’apparentant pour certains à des gestes (Bulle, 2020 ; Corroyer, 2023), il apparaît intéressant que ce soit certains types d’actes qui soient plus fréquemment considérés comme politiques que d’autres. Alors que l’origine sociale et le capital scolaire jouent un rôle fort dans la capacité à présenter un acte comme politique, exclure certaines pratiques de l’analyse de la critique en actes, parce que leurs acteurs et actrices, moins dotés en certains types de capitaux, ne produisent pas le discours légitime attendu (Bourdieu, 1982), n’est-ce pas faire preuve de dominocentrisme (Grignon & Passeron, 2015) ? En élargissant notre appréhension du politique et des formes de résistances à l’infrapolitique (Scott, 2009), nous souhaitons embrasser des pratiques et rapports au politique variés et inégalement légitimes, y compris au sein de tels espaces.
Axe 2 – Articulations entre individu et collectif
Un deuxième axe de travail sera consacré à la place laissée aux individualités au sein des groupes. La fusion d’espaces de sociabilités habituellement différenciés, ajoutée à la coupure avec l’extérieur induite par un style de vie marginal spatialisé induit une « appartenance majeure déterminante » (Verdès Leroux, 1981, p.35) au lieu collectif. Colin Robineau compare même certains squats à une « institution totale », induisant une « (re) socialisation intégrale » des personnes, modifiant leurs « perceptions, leurs possibilités biographiques » et même leur hexis corporelle (Robineau, 2022, p.180 et p.185).
Toutefois, la place laissée aux individualités varie selon les espaces, les époques, et les théories politiques mobilisées. Les différentes vagues d’arrivants et d’arrivantes au sein des lieux collectifs, ou réseau de lieux collectifs, amènent souvent avec elles de nouvelles pratiques et représentations, qui diffèrent à la fois selon leurs caractéristiques sociales et leur génération (Hervieu-Léger, 2023, p.7). Ainsi, pour Margot Verdier, l’occupation de Notre-Dame-des-Landes ne correspond pas au modèle de la communauté développé par Fernand Tönnies, puisque les individus, dans les discours comme dans l’existence d’un droit de véto, valorisent ce qu’elle nomme le « droit à déroger au commun ». Elle parle ainsi d’une « organisation sociale fragmentée », allant à l’encontre de la tentation de « l’uniformisation du corps social ». (Verdier, 2021, p.127). Sylvaine Bulle partage ce constat de profondes divergences, au sein de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, entre différentes manières de concevoir la forme occupation, allant d’une tendance plus anarchiste individualiste, à une tendance plus autonome révolutionnaire qui pense en termes de stratégie collective (Bulle, 2020).
Cette question fait écho aux nombreux débats qui ont émaillé l’histoire de la pensée révolutionnaire et de la transformation sociale, et notamment aux tensions entre communisme, associationnisme et individualisme libertaire. Si Proudhon, déjà, dénonçait la réduction de la liberté individuelle induite par la pression communautaire (Bulle 2020, p.213-215), comment ces questionnements théoriques trouvent-ils à s’actualiser au sein des différents lieux de vie étudiés ? Quels modes de résolution de cette tension individu/collectif les habitants et habitantes proposent-ils ?
Par ailleurs, au sein des collectifs, on retrouve souvent une diversité d’avis sur la question, ce qui occasionne régulièrement des déceptions et des conflits. Quels éléments jouent sur les attentes des individus par rapport au collectif, et leur manière de s’y investir ? Au-delà des facteurs traditionnels de classe ou de genre, nous souhaitons nous questionner sur l’hypothèse d’un effet d’âge ou de génération jouant sur les volontés inégales de collectivisation des différents éléments de l’existence.
La déspécialisation des espaces va également souvent de pair avec la déspécialisation des personnes. En effet, dans un certain nombre de lieux collectifs se met en place un mode de travail communautaire en dehors du salariat qui permet l’acquisition d’une plus grande variété de compétences. Le refus de la trop grande spécialisation est souvent aussi un moyen mis en avant pour éviter la concentration des pouvoirs, un objectif là aussi hérité des mouvements anarchistes. Cependant, les parcours biographiques montrent régulièrement des mouvements de re-spécialisation, que ce soit au sein du lieu collectif ou bien en reprenant une formation ou un travail professionnel. Si ces bifurcations peuvent être interprétées comme un processus de reclassement (Robineau, 2022, p.214), ne s’agit-il pas également d’un besoin de laisser plus de place à son individualité, en dehors du collectif, en investissant d’autres cercles sociaux (Robineau, 2022, p.215) ? Que peuvent mettre en place les collectifs pour répondre aux besoins d’émancipation individuelle des individus ? Que produisent ces tensions individu-collectif sur les trajectoires individuelles et collectives ?
Axe 3 – Circulation des pratiques et des cultures militantes au sein des lieux collectifs
Un troisième axe concernera la circulation des pratiques et des cultures militantes au sein des lieux collectifs, de manière synchronique et diachronique. Différents éléments permettent d’esquisser un « contre-univers normatif » (Luck, 2008, p.504) dans lequel certaines valeurs positives dans la société majoritaire, comme le vote ou le salariat par exemple, sont négatives au sein de la contre-société. S’il existe des éléments symboliques partagés entre plusieurs collectifs, il est toutefois impossible de parler d’une culture politique homogène, et ce, même au sein d’un seul lieu collectif. On peut cependant s’intéresser à l’articulation de ces différents types d’imaginaires, qui s’influencent mutuellement, à la fois par opposition — voire par distinction — et par adhésion. Il s’agira donc aussi d’étudier ces cultures politiques dans leurs diversités et leurs interactions.
D’abord, malgré le caractère localisé des lieux collectifs, des connaissances et des symboles circulent de manière synchronique entre différents espaces. Cela est notamment dû à une insertion des lieux collectifs dans des réseaux multiscalaires, militants, mais aussi de voisinage. Au niveau local, il a été démontré un phénomène de regroupement de ces stratégies préfiguratives dans de « hauts lieux des alternatives sociales et écologiques » (Hakimi-Pradels, 2021 ; Pruvost, 2021). Une attention particulière sera également portée aux mouvements transnationaux comme le mouvement altermondialiste qui a largement contribué à la circulation de certains de ces éléments au sein des luttes (Graeber, 2002), mais également des lieux collectifs. Quels espaces transnationaux de circulation observe-t-on aujourd’hui ? L’étude des camps climats, no borders et militants en général aura ici sa place.
Par ailleurs, certaines références historiques, comme celles de la Commune (Ross, 2015), ou encore de l’autonomie italienne des années 1970 (Allavena, 2020), sont très fréquemment mobilisées, témoignant de la circulation de représentations et pratiques, d’un lieu à l’autre. Ainsi, des textes, des chansons, des slogans et des images sont repris de luttes passées, et permettent aux lieux collectifs de s’inscrire dans des héritages politiques à la fois proches et parfois bien distincts — de l’anarchisme individualiste à l’autonomie, en passant par le municipalisme ou le communisme — quitte à en modifier profondément la teneur (Allavena, 2020) ou à les aborder à travers le prisme de l’évènement, de la fragmentation et de la « discontinuité historique » (Bulle, 2020, p.70). Ces imaginaires communs se mettent également en place à travers un certain nombre de rituels, de fêtes, et de productions artistiques qui permettent de fabriquer et de mettre en scène un ensemble d’émotions constitutives du sentiment de solidarité (Deydier, 2021) et de camaraderie.
Au-delà des productions théoriques et intellectuelles — textes, discours, slogans — et culturelles et symboliques — images, chansons, rituels — c’est également dans des pratiques — notamment l’occupation — et à travers la manière de réaliser certains gestes a priori quotidiens — se nourrir, se vêtir, se loger — que se transmettent ces imaginaires politiques. L’un des objectifs de cet axe sera donc de questionner leurs différents modes de circulation, de réception et de réappropriation, dans le présent, ou du passé vers le présent.
Ainsi, nous chercherons ici à comprendre quelles sont les références historiques et théoriques partagées au sein de ces lieux collectifs, et quels sont les répertoires discursifs qui au contraire s’opposent. Comment évoluent ces cultures politiques au sein des lieux collectifs ? Nous nous demanderons également quels rôles jouent les déplacements des militants et militantes entre plusieurs lieux collectifs dans la circulation de ces éléments immatériels. Quelles caractéristiques sociales déterminent certaines personnes à jouer un rôle de pont entre les espaces politiques dans ces circulations ? Enfin, pourquoi certaines luttes comme celles des zapatistes (Apostoli Cappello, 2017) ou bien des Kurdes au Rojava font figure d’exemples à certaines époques au sein des lieux collectifs ?
Axe 4 – Méthodologie
Les enquêtes dans les lieux collectifs, souvent ethnographiques, posent plusieurs questions d’ordre méthodologique. Ainsi, les chercheurs et chercheuses éprouvent souvent des affects forts vis-à–vis de leur terrain de recherche (Clair, 2016 ; Verdier, 2021). En effet, réaliser une observation participante au sein de lieux collectifs signifie souvent vivre durant une période plus où moins longue presque 24 h/24 sur son terrain de recherche. L’enquête dépasse alors souvent le cadre de la simple participation, pour prendre la forme d’une sociologie « embarquée » (Bulle, 2020), ou d’un « engagement ethnographique total » (Humeau, 2021), amenant le chercheur à devenir — si ce n’était déjà pas le cas — un « sociologue indigène » (Schwartz, 2011). Ce flou entre recherche, vie privée et militantisme donne une tonalité particulière à la recherche, avec une compréhension privilégiée de certains phénomènes (Bajard, 2013 ; Geay, 2003), mais également des difficultés propres. La chercheuse doit ainsi parfois « se faire violence » pour retrouver sa casquette de sociologue et ne pas se laisser submerger par le cours des interactions quotidiennes (Bouillon, 2009), au point que « la poursuite d’un plan individuel » — de recherche — perde complètement son sens face à la vie collective plus vécue qu’étudiée (Corroyer, 2023).
Il s’agira ici de nous questionner sur les différentes manières de procéder, pour respecter à la fois l’intimité du quotidien partagé, tout en réalisant une recherche rigoureuse. Comment articuler ces différentes facettes constitutives de la personne humaine et du chercheur ? Comment les contraintes du terrain et de la manière dont nous nous nouons à lui participent à définir notre méthode (Corroyer, 2023) ?
D’autre part, les lieux collectifs étant souvent des lieux de passage assez fréquentés, il est souvent difficile de contractualiser avec chaque personne rencontrée la relation d’enquête, puisqu’il est souvent compliqué pour l’ethnographe de se présenter et présenter sa recherche en permanence (Corroyer, 2023). Le caractère informel de certains lieux collectifs accentue de plus ce phénomène, puisqu’il n’y a parfois pas vraiment de manière de demander plus ou moins officiellement un accès au terrain.
Au contraire, dans d’autres lieux collectifs, il y a déjà de véritables protocoles mis en place pour gérer les demandes de terrain des chercheurs et chercheuses. En effet, de plus en plus, les enquêté. es demandent aux ethnographes des gages de fiabilité, de réciprocité et d’une certaine éthique politique de la recherche. Ce phénomène est accentué par la familiarité d’un grand nombre d’habitants et habitantes des lieux collectifs avec les sciences sociales. Cette familiarité est loin d’induire la confiance, et au contraire va souvent de pair avec des exigences et un avis à la fois scientifique et politique sur ce que doit être une bonne recherche, quand il ne s’agit pas d’une hostilité frontale aux sciences sociales (Corroyer, 2023). Comment, alors, prendre en compte les critiques des sciences sociales issues des lieux collectifs sans tomber dans les écueils d’une recherche instrumentale ? Comment objectiver les déterminants sociaux d’une interaction sans trahir l’authenticité des relations qui se sont nouées, parfois quotidiennement durant plusieurs années ? Quand, où, et comment restituer ?
Modalités de contribution
Les propositions sont à envoyer à elenamejias.sid@gmail.com et coraliedouat@gmail.com avec pour objet : « Réponse AAC lieux collectifs »
pour le 1er octobre 2023 au plus tard.
Elles ne doivent pas dépasser les 4000 signes.
Organisation
- Coralie Douat (ISP, Nanterre)
- Elena Mejias (ISP, Nanterre)
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