[AAC] Travail, éthique et développement durable
Contexte et justification
Depuis le lancement des objectifs du développement durable en 2015-2016, les politiques nationales de développement s’inscrivent de plus en plus dans la notion de durabilité. Cette durabilité, construite autour des dimensions économique, sociale et environnementale, intègre également la dimension éthique, transversale aux trois autres dimensions. Toute chose qui implique également une certaine « qualité » du travail, pris comme « moteur et révélateur des mutations contemporaines », ainsi que certaines autres valeurs déterminantes à la durabilité. En effet, défini dans le rapport de Brundtland comme « un développement qui permet de satisfaire les besoins du présent sans compromettre les capacités des générations futures à répondre aux leurs », le développement durable engage la responsabilité des parties prenantes qui consiste en des pratiques et des imaginaires autour d’une certaine éthique dans le travail et de certaines valeurs telles que la solidarité intergénérationnelle.
Cependant, à rebours de cet « esprit » du développement durable qui donne au travail et à l’éthique une place significative, l’on note, aussi bien au niveau des individus qu’au niveau des organisations, des comportements déviants, susceptibles de compromettre les objectifs du développement durable tels que pensés par les Nations‑Unies. Il s’agit, entre autres, de phénomènes de corruption, de fraude, d’escroquerie, de blanchiment d’argent et de cybercriminalité.
L’on peut citer comme exemple : le rapport 2021 de de l’ONG Transparency International qui souligne des niveaux de corruption stagnants mais élevés, sur fond d’atteintes aux droits de l’homme et de déclin démocratique dans le monde ces dix dernières années ; l’inculpation de 500 personnes en 2021 en Côte d’Ivoire pour corruption, enrichissement illicite, blanchiment et détournement ; la mise aux arrêts d’un millier de personnes par Interpol et l’interception de 27 millions d’USD dans une opération rassemblant des unités de police de plus de 20 pays d’Asie, d’Afrique et d’Europe ; la tricherie en milieu scolaire en Côte d’Ivoire avec la montée du phénomène de fraude aux examens à grands tirage : (383 cas de fraudes en 2017 ; 1516 en 2018 ; 6833 en 2019 et 16.428 en 2020).
Ces phénomènes qui consistent à détourner les ressources au profit de quelques individus ou groupes d’individus, menacent ainsi, la justice redistributive, la qualité de vie des individus et la viabilité des systèmes économiques et sociaux.
Par ailleurs, l’ODD 8 qui invite à promouvoir un travail décent à travers ses quatre piliers que sont création d’emploi, protection sociale, droits au travail et dialogue social, est mis à mal au regard des rapports internationaux sur la question (BIT).
En effet, l’ONU (2020), partant des rapports du BIT, relève par exemple que la majorité des travailleurs avant la Covid, se retrouvaient dans une économie informelle dont la plupart ne jouissait d’aucun droit au travail, de protection sociale et de revenus, et touchant des bas salaires qui les condamnaient à la pauvreté. Une situation aggravée par la Covid, notamment pour les jeunes, femmes et les travailleurs considérés comme vulnérables et dont nombreux ont connu des ruptures dans l’emploi.
Des situations limitant également la perception d’une redistribution équitable des ressources économiques (la justice sociale) et susceptibles de créer des rapports conflictuels entre les entreprises et leurs parties prenantes locales. C’est le cas par exemple, avec les entreprises du secteur minier, pris quelques fois « en otage par des réseaux informels et de corruption », et « dont les retombées lucratives des activités ne bénéficient ni à l’État, ni aux communes, encore moins aux communautés riveraines, alors que, sur le terrain, l’exploitation minière s’intensifie » (Voundi, 2021).
La problématique de l’éthique au travail, de la bonne gouvernance et de la responsabilité sociale, aussi bien, dans les pratiques des travailleurs et des dirigeants, que dans celles des organisations, sont ici interpellées. C’est pourquoi, le présent colloque a pour objectif de faire l’état des lieux des pratiques, des valeurs, du rapport aux normes et au travail des individus, ainsi que des organisations. Cela s’inscrit dans une logique de développement durable qui implique des responsabilités individuelles et collectives, des valeurs, une éthique et une solidarité intergénérationnelle. Ce sera aussi l’occasion de questionner la manière dont les comportements, considérés comme déviants, sont manifestés, neutralisés ou contournés dans les contextes de travail et dans les différentes organisations sociales. L’on attend des travaux qui analysent les rapports sociaux de productions en lien avec les comportements déviants dans les organisations.
Les résultats attendus de ce colloque sont le partage d’expériences et de connaissances scientifiques sur les formes, les pratiques et les représentations sociales en lien avec ces comportements déviants, mais également, des stratégies de neutralisation de ces comportements ; le but étant de contribuer à la réduction de ces comportements et redonner au travail « ses lettres de noblesses ».
Pour ce faire, le colloque s’articule autour de six (6) axes :
1. Le travail : valeur, sens, signification et rapport au travail en contexte de développement durable
Cet axe permet d’analyser l’importance accordée au travail dans le processus de développement durable. De fait, les communications s’y inscrivant peuvent questionner les représentations sociales liées au travail et la construction sociale du travail dans ce contexte de développement durable. En effet, si les Objectifs du Développement Durable promeuvent un travail décent, pour le citoyen lambda : qu’est-ce qu’un travail et quelles en sont les critères de décence ? Qu’est-ce qui est considéré comme un « bon travail » ou un « mauvais travail » ? Qu’en est-il de la valeur accordée au travail ? Dans une approche par le genre, peut-on continuer ou non de parler de « valeurs masculines » ou « valeurs féminines » ? De « travail masculin » ou de travail féminin ?
Dans le contexte ivoirien miné par des comportements déviants à divers niveaux, le gouvernement a pour ambition de « former » un « ivoirien nouveau », capable de « hisser » le pays, « à l’horizon 2030, au rang des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure à travers la transformation économique et sociale » (PND 20212025). À cet effet, des communications pourraient porter également sur ces différents questionnements :
Comment se définit l’ivoirien nouveau dans son rapport au travail ? Pour l’ivoirien et les personnes vivant en Côte d’Ivoire, qu’est-ce que le travail ? Comment travailler ? Quels sont les leviers autours desquels doit s’organiser la réalisation d’un travail, d’une activité pour se redéfinir moralement, culturellement, économiquement et socialement comme « Ivoirien nouveau » ? Comment le travail, dans un souci d’excellence, peut-il contribuer à atteindre les objectifs de développement durable que se sont fixées les autorités ivoiriennes ? Quel type ou modèle de travail peut-il favoriser, ou non, la réalisation du modèle de développement ?
2. Corruption et criminalité au travail : pratiques, enjeux et stratégies de lutte
Cet axe questionne toutes les formes de criminalité dans le milieu du travail dont la corruption, les détournements de fonds et de matériels, la fraude de toute nature, les pratiques ésotériques et mystiques, etc. Il cherche à comprendre les logiques d’actions des auteurs impliqués, les stratégies, les coûts et leurs impacts socioéconomiques. Il y a également la cybercriminalité dans le milieu du travail avec, notamment, les questions de vol de données, de cyber espionnage, de cyber harcèlement, etc.
Par ailleurs, sur le plan environnemental, il y a tout ce qui est considéré comme criminalité et qui intègre par exemple le commerce illégal des espèces sauvages et leurs répercussions sur l’environnement, les communautés locales, l’économie des pays et la sécurité.
3. Éthique professionnelle, RSE et gouvernance des organisations
Cet axe fait appel à des communications qui questionnent les dispositions organisationnelles et institutionnelles favorables à l’exercice du travail dans les conditions éthiques et déontologiques définies. Que ce soit au niveau des administrations publiques ou privées, comment éthique et bonne gouvernance sont organisées pour neutraliser les comportements non éthiques et atteindre les objectifs de développement ? Il s’intéresse également aux pratiques des acteurs, individuels ou organisationnels qui traduisent un comportement responsable, entraînant ainsi une confiance dans la qualité du travail exécuté et celle des produits issus de ce travail.
Les communications peuvent également s’intéresser à la relation entre la qualité du travail exécuté et son impact sur la qualité de vie de son exécutant, sur le développement de l’entreprise et de son environnement social.
Dans la société ivoirienne où la corruption constitue une gangrène qui mine le fonctionnement des personnes physiques (hommes et femmes) et des organisations au sein de la société ivoirienne, la pratique est devenue « normale ». Ce qui affecte la confiance des citoyens dans les pouvoirs publics et la capacité à gouverner efficacement (Institute for National Security and Counter terrorism 2014, cité par Transparency International…). Comment recréer la confiance au sein des Administrations ivoiriennes ? Comment construire un environnement de travail éthique, socialement responsable et favorable au développement durable ?
4. Fraude, corruption et harcèlement sexuel en milieux éducatif : pratiques, enjeux, conséquence et solutions
Le milieu éducatif est également en proie aux comportements déviants : fraude, corruption, harcèlement, notes « sexuellement transmissibles », etc. Pourtant, les missions assignées aux systèmes éducatifs consistent, entre autres, à contribuer à la formation des citoyens respectueux de l’intérêt général et du bien commun et au renforcement du sens éthique. De fait, les interrogations sur l’éducation relativement à ces problématiques à l’école paraissent donc pertinentes.
En Côte d’Ivoire par exemple, le phénomène de la tricherie et de la corruption est tel qu’il est taxé de « véritable gangrène » du système scolaire et universitaire. Comment lutter alors contre ce fléau ?
Que deviennent les élèves et étudiants confrontés à ce système ? Quel est leur rapport au travail ? Quelles sont conséquences sur la qualité du travail fourni et/ou attendu des personnes soumises à ces phénomènes ?
Cet axe cherche, d’une part, à identifier les pratiques, les acteurs et leurs réseaux, les représentations sociales et les enjeux du phénomène ainsi que ses conséquences sociales. D’autre part, il veut analyser les solutions proposées et favoriser des partages d’expériences sur la gestion du phénomène.
5. Travail et éthique en milieu hospitalier/sanitaire
Dans l’imaginaire populaire, le milieu de la santé évoque généralement le dévouement, la compassion, l’altruisme. Cette perception est cependant, contrariée par la mauvaise réputation concrète des personnels de santé en Afrique taxés généralement de corrompus, méprisant les usagers et produisant des prestations de faible qualité (De sardan et al., 2007). Cette perception a fortement contribué à la dégradation significative des rapports entre le personnel de santé et la population susceptible de recevoir des soins.
La problématique du travail et de l’éthique se pose également, dans les organisations sanitaires et mérite d’être pensée. Cela d’autant plus important que la corruption est perçue comme affaiblissant les systèmes de santé et menaçant les progrès de la couverture sanitaire universelle (Transparency International Health Initiative, 2018).
Le rapport de Transparency International Health Initiative (2018), donne un tableau assez marquant du phénomène. En effet, la corruption ayant pris de l’ampleur dans le monde entier pendant la pandémie de COVID-19, elle a occasionné plus de 1 800 plaintes pour actes de corruption et recherche de l’aide sur des questions liées à la COVID-19. Il empêche également les personnes d’accéder aux traitements et aux équipements de protection individuelle (EPI) et force les personnels soignants à travailler en milieu hospitalier dans des conditions risquées. Les acteurs de la corruption, quant à eux, profitent des contrats publics et de la vente illégale de fournitures médicales. Dans certains cas, les patients doivent payer des pots-de-vin pour les EPI et les tests de COVID-19.
Les contributions à ce niveau cherchent à comprendre le rapport aux valeurs des personnes travaillant dans le milieu hospitalier/sanitaire, c’est-à-dire que, en lien avec le serment d’Hippocrate, « comment elles se forgent leurs règles morales, comment elles définissent ce qui est bien ou mal, en fonction de la situation, des contraintes, des échanges avec les collègues, etc. » (Loriol, 2012). Pour Anne Paillet, il faut aborder l’éthique en acte et non l’éthique en débats.
Aussi, au-delà des accusations « morales » contenues dans certains discours, des questions organisationnelles peuvent se cacher.
Les contributions aborderont donc de manière générale les questions de normes collectives et règles de métier dans les organisations sanitaires. Par ailleurs, elles analyseront aussi, les effets du Covid sur la dynamique des pratiques et croyances éthiques dans leur rapport avec les ODD.
6. Travail, traite, prostitution, harcèlement et violences sexistes et sexuelles au travail : avancées et défis
Le milieu de travail, loin d’être un milieu neutre caractérisé uniquement par des relations professionnelles, est un cadre de transposition et de reproduction de pratiques sociales ancrées telles que les discriminations liées au genre, l’invisibilisation du travail féminin, le travail non décent, les violences sexistes et sexuelles (VSS) ou Violences basées sur le genre (VBG), la traite des personnes et la prostitution forcée, etc. Ces phénomènes dans le milieu du travail demeurent des réalités auxquelles sont confrontées femmes, hommes, filles et garçons. En dépit des combats pour l’égalité et le respect des droits et de la dignité de la personne humaine, des stratégies pour transformer les systèmes à leur origine, ces phénomènes persistent.
Comment comprendre le développement de ces phénomènes en Afrique et dans le monde ?
Comment ces phénomènes se manifestent-ils en Afrique et dans le monde en général ? Comment peu-ton y faire face ?
Quels sont les avancées dans la lutte contre ces phénomènes ? Quels sont les cadres juridiques qui encadrent ces phénomènes ?
En termes d’activisme et de luttes féministes, quels sont les personnes marquantes dans la lutte contre ces phénomènes ?
Tels sont quelques questionnements autour desquels peuvent s’articuler les communications qui s’inscrivent dans cet axe.
Toutes les contributions du colloque peuvent s’inscrire dans ces différents axes de recherche et questionnements afin d’enrichir la connaissance sur ces thématiques. Néanmoins, ils restent ouverts tant qu’ils entrent dans les axes proposés.
Table ronde
En marge de ces communications se tiendra une table ronde autour du thème « Éthique, travail et pérennisation de la culture et de la pratique « dozo » en pays mandé et Gur (Côte d’Ivoire) : quelles leçons pour un développement durable ? »., Brou Gnangon Georgette, Assistant, Sociologie, UPGC
Modalités de soumission
Les intentions de communication doivent obligatoirement contenir les éléments suivants :
- L’enjeu de la recherche, la problématique, le cadre théorique, la méthodologie, les principaux résultats, les éléments de discussion et les principales références bibliographiques.
- Le format de soumission des communications doit respecter les instructions suivantes : 500 mots maximum, Times New Roman 12, interligne simple :
- Sur la première page figurent les noms et qualités du ou des auteurs, l’adresse électronique, le titre de la communication, et 4 à 5 mots-clés. Les propositions sont à adresser (sous format Word) à : colloquemansa.upgccotedivoire@gmail.com
avant le 30 octobre 2022
Type de présentation :Trois catégories de présentation sont prévues :
- Conférences plénières et tables rondes
- Communication orale
- Poster
Informations et inscription
Tous les renseignements concernant le colloque (inscription, communication, programme, etc.) peuvent être obtenus en contactant le secrétariat du colloque à l’adresse suivante : colloquemansa.upgccotedivoire@gmail.com
Ce colloque est ouvert aux chercheurs et enseignants-chercheurs, aux responsables d’institutions et praticiens dans le domaine des organisations et qui ont un contact avec les pratiques déviantes questionnées.
La langue du colloque est le français et l’anglais.
Frais d’inscription et de participation :
- Chercheurs et Professionnels : 50 000 FCFA
- Étudiants : 15 000 FCFA
À la suite de colloque, les papiers retenus après évaluation par un comité scientifique, feront l’objet de publication.
Calendrier
- 11 mai 2022 : Lancement de l’appel à communication
- 11 juillet 2022 : Rappel de l’appel
- 30 octobre 2022 : Date limite de réception des intentions de communication
- 10 décembre 2022 : Notification des avis du Comité scientifique aux auteurs
- 10 décembre 2022 : Ouverture des paiements pour la participation
- 20 février 2023 : Retour des articles complets
- 05 mars 2023 : Clôture des paiements pour la participation
- 08-10 mars 2023 : Date du congrès
Comité scientifique
- Président du comité scientifique : SANGARE Abou, Professeur Titulaire de Philosophie, Université Peleforo GON COULIBALY
- Vice-président : VANGA Adja Ferdinand, Professeur Titulaire de Sociologie, Université Peleforo GON COULIBALY
Comité d’organisation
- Présidente : ADOH Bissè Blanche Danielle N’guessan, Maître-Assistant, Sociologie, UPGC, Membre du conseil consultatif de MANSA.
- Vice-présidente : AINYAKOU Taïba Germaine, Maître-Assistant, Sociologie, UPGC, déléguée générale Cellule-MANSA UPGC
- Deuxième vice-président : KOUAKOU Yao Marcel, Maître assistant, Université Jean Lorougnon Guédé de Daloa, Coordonnateur MANSA Zone Afrique.
- Trésorière : ETTIEN Ablan Anne-Marie, Maître-Assistant, Sociologie, UPGC, Trésorière Cellule-MANSA UPGC (Money : +225 0747504786, western Money gram, etc.)
Comité de rédaction
- Kouacou N’Goran Jacques, Maître-Assistant de Science du langage, UFHB
- Silue Annick, Assistant, Sociologie, UPGC
- Aboutou Akpassou Isabelle, Assistant, Sociologie, UPGC
- Coulibaly Ahoua, Assistant, Sociologie, UPGC
- Tamboura Sanata, Assistant, Sociologie, UPGC