[JE] La force argumentative dans le discours de spécialité du marketing : approches multimodales
Evènement | 15 novembre 2019
Le Centre d’Études Linguistiques (CEL – EA 1663) de la Faculté des Langues organise une journée d’étude intitulée « La force argumentative dans le discours de spécialité du marketing : approches multimodales », qui se tiendra à l’Université Jean Moulin Lyon 3 le vendredi 15 novembre 2019.
La force argumentative dans le discours de spécialité du marketing : approches multimodales
Invité d’honneur :
Prof. Marc Bonhomme
Université de Berne (Suisse)
La publicité et le discours publicitaire sont devenus, depuis plusieurs années, un domaine digne de recherche en linguistique, en communication, en marketing, etc. La publicité est, selon les dires de Jhally [1995], « the most influential institution of socialisation in modern society », et le discours publicitaire est souvent considéré comme le discours argumentatif, c’est-à-dire persuasif et/ou manipulateur, par excellence, ainsi que mentionné par Kaur, Yunus & Arumugam [2013 : 70] : « [I]t is not easy to ignore the persuasive nature of advertisements », ou Sonesson [2013 : 7-8] : « [A]dvertising discourse today is the favoured, and in fact almost exclusive, domain of rhetoric. […] So whatever we may think of publicity from other points of view, publicity discourse is today practically the only domain in which rhetoric is alive and well – in both classical senses of the term, that is, as both dispositio and elocutio ». Andrei [2007 : 126] insiste également sur le fait que « [l]e but du discours publicitaire est indubitablement d’influencer, de transformer ou de renforcer les croyances ou les comportements de sa cible, le client potentiel, et finalement, de le pousser à acheter le produit en question ».
Ainsi, selon Bonhomme & Adam [1997 : 19], « le discours publicitaire constitue un genre mou, faiblement défini, hétérogène et instable, dont la seule ligne directrice est d’inciter à la consommation commerciale », et cette journée d’étude se demandera alors en quelle mesure le discours publicitaire peut être considéré comme un discours argumentatif (persuasif et/ou manipulateur) en appliquant les principes aristotéliciens définitoires de la persuasion, ethos, pathos et logos, et leurs interactions éventuelles. Le discours publicitaire est défini comme un acte de langage indirect, dans le sens où, par le biais d’un acte assertif-évaluatif, il accomplit un acte directif, comme le notent Adam & Bonhomme [1997 : 25] : « L’acte illocutoire dominant de la plupart des publicités est explicitement constatif et implicitement directif ». Le discours publicitaire, à l’instar de tout discours argumentatif, est « un discours dialogique [car] il mobilise son destinataire où les partenaires du contrat sont l’énonciateur (l’argumentateur) et le destinataire (le sujet argumenté, le co-argumentateur) » [Andrei 2007 : 128], c’est-à-dire un discours qui recourt à la composante explicative (le raisonnement) et la composante séductrice. Si le discours publicitaire tente de répondre aux besoins et aux désirs des consommateurs en les persuadant d’acquérir tel produit, il suscite également des désirs et/ou besoins jusque-là insoupçonnés en manipulant les consommateurs par la création d’un ethos envers le produit qu’on souhaite acheter.
Cette journée d’étude tentera ainsi d’ouvrir de nouvelles perspectives en recourant, entre autres, au cadre théorique de l’Analyse Critique du Discours (Critical Discourse Analysis), telle que popularisée par Norman Fairclough, en ce qu’il explore les liens entre langage, idéologie et pouvoir, et donc la manipulation par le langage, voire la Multimodal Critical Discourse Analysis (voir Machin [2013 : 348] : « This calls on us to understand the way that different semiotic resources are deployed to communicate ideas, values, and identities »), et analysera les rapports entre discours, idéologie et pouvoir, afin de dégager comment le discours publicitaire et son recours à diverses stratégies linguistiques et non linguistiques impliquent la construction d’un sens dynamique par les éventuels consommateurs. C’est ainsi une approche multimodale qui sera privilégiée, le discours publicitaire ne se réduisant pas à la seule composante linguistique, mais englobant également des procédés non linguistiques ; seront ainsi analysés non seulement le matériau linguistique nécessaire à l’argumentation, mais également les ressources non linguistiques — les couleurs, la typographie, l’organisation de l’information, la forme du contenant, etc. — qui participeront, en la renforçant, à la force persuasive de l’acte publicitaire, l’image dans son ensemble jouant un rôle persuasif (voir Barthes [1957] et [1964], comme le rappelle Sonesson [2013 : 9] : « Clearly, even pictures, and not only openly propagandistic pictures, aim at producing adherence to the values of their producers ». Une attention particulière sera apportée au contexte d’énonciation du discours publicitaire, car le sens et le rôle de la publicité ne peuvent être perçus qu’à l’intérieur d’un contexte socio-culturo-économique. En effet, selon Cook [2001], la publicité, loin d’être un simple langage, est également un reflet de la société dans laquelle on vit. Enfin, il sera utile de questionner non seulement la nature de la sémiose publicitaire, mais également ses logiques sociales, qu’elles soient topologiques (lieux des agences publicitaires et des annonceurs), sociologiques (notamment les acteurs que sont les planneurs stratégiques, créatifs, commerciaux, designeurs d’expérience utilisateur, responsables de marques, chefs de projet, chefs de produit, média-planneurs ou chargés de régie publicitaire, etc. et leurs interventions respectives sur « l’institution discursive » [Maingueneau 2011] publicitaire) ou médiatiques (les outils matériels et techniques qui non seulement assurent l’exposition concrète des publics aux messages, mais également conditionnent et déterminent, par leur statut de médium [Debray 1991], les formes et les contenus véhiculés). On pourra ainsi interroger les logiques de circulation de savoirs et de représentations qui président au discours publicitaire [Jeanneret 2004], les postures et les métiers impliqués [Ouakrat, Beuscart, Mellet 2010].
Cette journée d’étude ne se veut pas uniquement linguistique, et les collègues de toute discipline sont invité/es à soumettre une proposition dès lors qu’elle s’inscrit dans le texte de cadrage. Les communications se concentreront de préférence sur l’anglais et le français contemporain et sur des sujets de société actuels. Une étude de corpus sera plus que bienvenue ; le corpus pourra être écrit et/ou oral et issu de genres très divers (publicités papier, publicités radiophoniques, publicités télévisuelles, publicités sur internet, etc.). Une enquête de terrain ou des données sur les modalités de la communication aujourd’hui (publicité en ligne, data, rouages du circuit professionnel de la publicité) seront également bienvenues pour éclairer la fabrique et l’efficace des discours publicitaires aujourd’hui. Les communications pourront traiter – mais pas exclusivement – des questions suivantes :
- Quelle est la nature du discours publicitaire ? Est-ce un acte performatif, constatif direct ou indirect ? Est-ce une combinaison de différents actes de discours ?
- À quels procédés linguistiques et non linguistiques les publicitaires ont-ils recours pour persuader – voire manipuler (si l’on se situe dans la lignée des travaux de Vance Packard [1957]) – les consommateurs ? Certains procédés sont-ils privilégiés au détriment d’autres ?
- Quels sont les circuits de production du discours publicitaire ? Quels en sont les énonciations et les énonciateurs ? À quelles logiques industrielles correspond-il et comment impactent-elles sur sa forme ?
- Selon que l’on souhaite vendre un produit ou faire adhérer à une idéologie, le type de support publicitaire utilisé, le type de public visé (âge, sexe, culture, croyances), les périodes (voir les 4 prototypes de publicités de N. Everaert-Desmedt [2005]), les procédés linguistiques et non linguistiques d’argumentation utilisés dans le discours publicitaire varient-ils ?
- De même, comment le discours publicitaire et ses procédés sont-ils conditionnés par leurs matérialités ? Comment s’adapte-t-il à la diversité des canaux mobilisés ? Qu’est-ce qui différencie en propre le discours tenu à la télévision, sur Internet, sur un panneau, sur un affichage de bus, à la radio, etc. ?
- Quel rôle l’origine géographique joue-t-elle dans la création d’une publicité et dans sa force persuasive ? La publicité est-elle dépendante de la culture dans laquelle elle prend naissance ?
- Quel rôle l’ambiguïté joue-t-elle dans le discours publicitaire, et plus généralement dans la publicité ?
- Comment le discours publicitaire circule-t-il et se transforme-t-il dans les réappropriations de ses différents publics [Berthelot-Guiet 2014] ?
- Quel est le rôle de l’humour dans l’argumentation publicitaire ?
- La surprise est-elle un élément majeur dans la réussite d’une publicité ?
- Dans quelle/s mesure/s le discours publicitaire fait-il appel aux émotions du consommateur potentiel dans un but argumentatif ?
- Quel est le rôle des stéréotypes et des clichés dans la force persuasive / manipulatrice du discours publicitaire ?
- Où se situe la limite entre fonction rhétorique, fonction persuasive, et fonction manipulatoire dans le discours publicitaire ?
- Quels liens existe-t-il entre argumentation et affectivité dans le discours publicitaire ?
- Qu’est-ce qu’une publicité réussie et efficace ? Peut-on mettre au jour des critères de réussite et d’efficacité en termes de procédés linguistiques et non linguistiques ?
Bibliographie indicative
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- ANDREI Carmen, 2007, « Ressorts argumentatifs dans le discours publicitaire », Communication and Argumentation in the Public Sphere, 1(1) : 126-139.
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Comité d’organisation
- Lucile BORDET, Université de Lyon (Jean Moulin Lyon 3)
- Germain IVANOFF-TRINADTZATY, Université de Lyon (Jean Moulin Lyon 3)
- Denis JAMET, Université de Lyon (Jean Moulin Lyon 3) & University of Arizona
Comité scientifique
- Karine BERTELOT-GUIET (Celsa Sorbonne Université – GRIPIC)
- Erik BERTIN (MRM // McCann)
- Marc BONHOMME (Université de Berne, Suisse)
- Lucile BORDET (Université de Lyon, Jean Moulin Lyon 3, France – CEL)
- Etienne CANDEL (Université de Lyon, Jean Moulin Lyon 3, France – ELICO)
- Muriel CASSEL-PICCOT (Université de Lyon, Jean Moulin Lyon 3, France – IETT)
- Gustavo GOMEZ-MEJIA (Université de Tours – PRIM)
- Denis JAMET (Université de Lyon, Jean Moulin Lyon 3, France & University of Arizona, USA – CEL)
- Caroline MARTI (Celsa Sorbonne Université – GRIPIC)
- Philippe MILLOT (Université de Lyon, Jean Moulin Lyon 3, France – CEL)
- Adrian STAII (Université de Lyon, Jean Moulin Lyon 3, France – ELICO)
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