[JE] Pratiques situées, « Do It Yourself » et « Low tech »
Présentation
Cette journée d’étude internationale s’inscrit dans le cadre plus large du projet de recherche « Arts numériques et enjeux environnementaux : penser (par) le milieu » qui a débuté par une première journée intitulée « paysages numériques vs ressources naturelles ? » et programmée le 22 janvier 2024. Ce deuxième volet, qui prend le parti de donner la parole aux praticien·nes, aux artistes manipulant les codes, détournant l’intelligence artificielle, recyclant et/ou fabricant de manière artisanale (Do It Yourself) ou encore avec des technologies obsolètes (Low Tech) en portant un regard critique et réflexif sur les nombreuses ressources (matérielles, humaines) nécessaires à notre monde numérique.
Participation
L’inscription (gratuite) est obligatoire (mail à aurelie.herbet@univ-paris1.fr).
Programme
- 9h30 Accueil café-viennoiseries : public et intervenant.es
- 10h00 Introduction par Aurélie Herbet
- 10h30 Jean-François Jégo (artiste et enseignant-chercheur, Université Paris 8) La création dans les arts numériques : entre accélération technologique et aspiration à ralentir
Le développement de l’art numérique et les diversités des propositions artistiques reposent sur un paradigme d’accélération des innovations technologiques dans un contexte de « nécessité » de croissance économique. Comment les artistes tentent-ils et -elles alors de s’émanciper d’un médium de création dépendant de terres rares, énergivore et rapidement obsolète ? À travers quelques exemples de pratiques alternatives d’artistes explorant les basses technologies, le fait maison et l’engagement collectif, nous élaborerons un continuum envisageant la post-croissance, la bifurcation, jusqu’à des formes d’ermitage questionnant notre rapport au temps et la nécessité d’un ralentissement.
- 11h00 Caroline Delieutraz (artiste) Matérialités hybrides
L’artiste Caroline Delieutraz présentera sa nouvelle série nommée Seed. Cette série, composée de grandes pièces textiles, est inspirée du principe de mimétisme animal et végétal autant que du fonctionnement de l’intelligence artificielle. En convoquant l’hybridation, la répétition et le changement d’échelle, l’artiste questionne notre rapport aux altérités non-humaines. Les formes organiques et industrielles se mêlent dans un jeu d’associations et de métamorphoses. Les pièces abordent l’image dans ce qu’elle a d’haptique, faisant une grande place à la sensualité des textures et des matières.
11h30 Pause
- 12h00 Benjamin Gaulon (artiste, enseignant, directeur de NØ SCHOOL) Le Tech Mining de Benjamin Gaulon (Recyclism)
La culture numérique, en constante évolution, produit de manière exponentielle de la matière, des logiciels et des données, puisant dans les ressources, se nourrissant d’énergie et occupant de l’espace. Souvent, ils passent très rapidement du statut de biens précieux à celui de biens jetables, de déchets. Qu’en advient-il alors? Le point de vue de Benjamin Gaulon sur l’archéologie des médias suggère que le matériel et données peuvent être recyclés et réutilisés, mais qu’à un moment donné, il n’est plus possible de prolonger leur durée de vie. La seule chose qui reste est leur matérialité brutale.
12h30 Déjeuner
- 14h30 Laurence Allard (Enseignante chercheuse en Sciences de la Communication, Université Lille-Fasest-département Culture/IRCAV-Sorbonne Nouvelle) Qui sont et que font les « diggers de l’anthropocène » ?
A rebours d’un imaginaire de l’immatériel, le numérique possède une empreinte matérielle indéniable à tous les stades de son industrie et notamment au plan de la masse des déchets occasionnés formant autant de « mines urbaines » emblématiques de l’anthropocène. Lors de cette communication, nous nous attacherons plus précisément aux « mines urbaines domestiques » et aux modalités de leurs « recompositions » par des acteurs pluriels (réparateurs associatifs, designers ou artistes concernés, militants écologistes décoloniaux ou encore des chercheur.euses multidisciplinaires) et ce dans différents contextes (repair café, fablabs, salles de cinéma). En référence aux premiers « bêcheux » luttant contre les enclosures et pionniers du mouvement des communs en s’opposant à l’appropriation privée des prés communaux au cours du 17ème siècle ainsi qu’aux artistes militants pour la culture libre dans le San Francisco des années 1966, nous désignerons ces acteurs du mouvement naissant de l’urban digging, comme les « diggers de l’anthropocène » qui reconfigurent des « communs négatifs » (Alexandre Monnin) avec ingéniosité et développent un imaginaire du numérique du « faire avec et du déjà là ».
- 15h00 Filipe Vilas-Boas (artiste) Au rythme des algos : bipédie et voitures cognitives.
Après deux siècles intensifs d’automatisation mécanique dont nous peinons à tirer les conclusions, nous voici à nouveau ardemment engagés dans une seconde accélération de notre automatisation, cette fois, de nos fonctions cognitives. Ajouté à la chute de la biodiversité et aux changements climatiques causés par l’activité humaine, notre environnement subit en cela une double métamorphose : physique et métaphysique. Filipe Vilas-Boas détaillera dans ce cadre sa démarche artistique et son usage du numérique en pleine crise écologique.
- 15h30 Grzegorz Pawlak (artiste et enseignant-chercheur, Université Paris 1) Mythoscories et pratiques asynchrones
Les mythoscories sont des échantillons de récits et pratiques ordinaires, des échanges d’actualité combinés aux morcellement de la vie quotidienne, accessibles pour la communauté. Elles résultent des possibilités étendues des technologies de l’information et de la communication, par la contraction de la durée vers un idéal d’instantanéité et de la connectivité électrifiée. Chaque information encapsulée, compressée, devient un sédiment minéral dans le grand édifice montagneux de l’hypermédia quotidien. Comment réceptionner, utiliser ces éléments sensibles sans arriver à une saturation de notre capacité à saisir l’intelligible ?
- 16h30 Antoniy Valchev (artiste, enseignant et doctorant, Université Paris 1) De l’atelier d’artiste au fablab
Depuis mes premières productions s’inscrivant dans le champ des arts numériques – des arts électroniques, plus précisément –, j’ai commencé à fréquenter les fablabs. Pour apprendre à coder, à souder, sinon pour imprimer en 3D ou découper en laser des pièces uniques, nécessaires pour la fabrication de certaines « machines sensibles », ces lieux sont devenus mon second atelier d’artiste. Cette communication retrace une expérience personnelle – et les interrogations qui en découlent – de l’intégration des pratiques du Do it yourself dans la création artistique.
- 17h00 Alexandre Castonguay (artiste et enseignant-chercheur à l’École des arts visuels et médiatiques de l’UQAM, membre du réseau Hexagram) « Change-toi toi-même » : limites et perspectives d’une pratique en arts numériques
Alexandre Castonguay présentera comment, au fil de projets récents, il tente par sa pratique de proposer diverses formes d’expérience esthétique mises au service d’un activisme tranquille visant à percer l’apathie ambiante, de manière à induire des changements d’habitude. En particulier, comment les projets « tablées », « extractions » et « cocíclo » incarnent des données sur le réchauffement climatique, la pollution de l’air ou le coût environnemental et social de nos dispositifs électroniques, afin de donner une emprise sur ce que Timothy Morton a appelé les « hyper-objets ». Sous la rubrique « change-toi toi-même », et étant donné les limites des stratégies infiltrantes et performatives organisées dans des cadres artistiques où le public est souvent restreint ou déjà acquis à la cause, il s’agira de discuter ensemble de pistes de solutions offertes aux artistes qui souhaitent mettre en oeuvre des principes écoresponsables dans le cadre de leurs pratiques artistiques en arts numériques.
17h30 Discussion collective et clôture de la Journée d’Etudes
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