[Emploi] offre de contrat doctoral

Contrat Fléché ED-Erasme

Datactivisme et organisations : discours, processus communicationnels et pouvoir d’agir
Laboratoire : Laboratoire LabSIC (UR1803)
Discipline : Sciences de l’Information et de la Communication
Direction de thèse : Yanita ANDONOVA (directrice de thèse) et Nicolas PEIROT (co-encadrant)
Contact : yanita.andonova@gmail.com, nicolas.peirot@univ-paris13.fr
Domaine de recherche : communication numérique ; communication des organisations
Mots clés : pouvoir d’agir ; dialectique engagement/désengagement ; sciences participatives ; enjeux géo-communicationnels ; datafication ; plateformes

La communication organisationnelle en contexte numérique fait l’objet d’une profusion de productions scientifiques en Sciences de l’information et de la communication (SIC) (Bouillon, 2015 ; Cousserand-Blin, Pinède, 2018 ; Carayol, Laborde, 2019 ; Alloing, Pierre, 2021). L’intérêt des chercheurs porté aux plateformes et aux algorithmes est grandissant depuis le milieu des années 2010. Analysés initialement dans le cadre du « capitalisme des plateformes » (Abdelnour, Bernard, 2018) dans les transports et la livraison (Uber, Deliveroo), les logiques algorithmiques se sont rapidement répandues à l’ensemble des secteurs de l’économie : éducation, formation, santé, artisanat, services en ligne, etc. Dans chacun de ces secteurs les plateformes renvoient à des formes organisationnelles numériques régies par des logiques algorithmiques (Andonova, Peirot, El Bourkadi, 2024) qui sous-tendent un processus de collecte et d’analyse de données toujours plus ambitieux.
Ces processus impliquent des transformations organisationnelles profondes : traçabilité des activités, repositionnement des métiers, nouvelles compétences, ubiquité du travail. Ils sont par ailleurs liés aux stratégies d’acteurs industriels opérant à l’échelle internationale et cherchant à s’adapter et à influencer les réglementations nationales et internationales (statut des travailleurs de plateformes, encadrement de l’intelligence artificielle, protection des données). Ces logiques invitent les chercheurs en communication des organisations à mieux prendre en compte les contraintes et ressorts géopolitiques des dynamiques organisationnelles (Andonova, d’Almeida, 2022). L’économie des données constitue en effet un terrain privilégié de construction des rapports de forces internationaux. Elle concentre des enjeux à même de déstabiliser les organisations : assouplissement/renforcement des régulations et sanctions des plateformes par des institutions étatiques ou supra-étatiques, bataille pour l’extraction des ressources naturelles comme les minerais nécessaires à l’infrastructure numérique (Flipo, 2020), enjeux de surveillance mutuelle ou encore d’influence dans l’espace public.

Cette perspective « géo-communicationnelle » vise, notamment, à analyser la reconfiguration des formes d’engagement et de désengagement à l’oeuvre en contexte organisationnel. Tout d’abord, l’hégémonie de l’économie des données est propice à bousculer les « récits d’engagement » (d’Almeida, 2001) et les discours RSE (Loneux, 2015 ; Catellani et al., 2019). Ces derniers ont été élaborés à partir de la notion de développement durable, qui renvoie à une prise de conscience concertée d’un sort commun à l’échelle mondiale. L’économie numérique et ses enjeux constituent alors un facteur possible de déstabilisation de cette vision pacifiée et consensuelle de l’ordre mondial – qui plus est à l’heure du réchauffement climatique. À un second niveau, ces discours de responsabilité se confrontent à une critique s’exprimant dans l’espace public et provenant d’une multitude d’acteurs : acteurs gouvernementaux, institutionnels, ONG, associations, médias, citoyens, syndicats et employés. Que ce soit dans des cas de dénonciations d’opérations de greenwashing ou de position d’une entreprise vis-à-vis d’un conflit, ces formes d’engagement obligent les organisations à préciser leur positionnement. Cette critique, qui s’exprime plus particulièrement en ligne, est porteuse de tensions, que ce soit en termes d’échelle (des discours de responsabilité, souvent généraux et abstraits, devant s’adapter à des situations locales) ou de temps (l’instantanéité de la critique pèse sur le temps long de la construction d’une stratégie de communication cohérente et de la délibération avec les parties prenantes).
Dans ce cadre, la question de la gestion des données personnelles constitue un enjeu particulièrement sensible. D’une part, leur instrumentalisation marchande tend à rendre moins crédibles les discours d’empowerment des usagers et citoyens propagés par les acteurs du numérique et largement repris par les entreprises. D’autre part, elle suscite des formes d’engagement à même de déstabiliser des organisations aujourd’hui dépendantes de l’économie des données que ce soit pour leur management (travail collaboratif en ligne), leur marketing (ciblage publicitaire et personnalisation) ou encore leurs politiques de recherche et développement (reposant notamment sur des techniques d’intelligence artificielle consommatrices en données). Les régulations nationales et internationales jouent un rôle crucial à ce niveau. Le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) impose le cadre légal sur le plan européen concernant le recueil et l’utilisation des données dans l’Union européenne.
En parallèle, des associations et collectifs, mêlant militants, ingénieurs et chercheurs émergent pour demander davantage de contrôle sur les données (comme les collectifs PersonalData ou DatingPrivacy, la coopérative DatActivist). La mise en oeuvre de cette science participative et alternative des données repose sur le développement d’un pouvoir d’agir numérique (Beuscart, Dagiral, Parasie, 2019 ; Milan, Van der Velden, 2016). Elle est fondée sur la demande d’une plus grande reconnaissance des citoyens à l’heure de la datafication de leurs activités. Elle repose également sur des « interventions démocratiques » dans les technologies (Feenberg, 2014), qui se manifestent par la création, sur internautes et proposant notamment la visualisation des traitements dont les données personnelles Internet, de dispositifs numériques destinés au développement de la capacité d’agir des font l’objet, des envois automatiques de messages aux plateformes et entreprises ou la diffusion de bonnes pratiques « d’obfuscation » des données (Nissembaum, Brunton, 2019).
L’émergence de ces collectifs pose des défis cruciaux aux organisations. Prenons l’exemple des organisations de santé, tiraillées entre les rationalisations induites par le néo-management (Galibert, Cordelier, 2021), l’informatisation et la datafication croissante du soin (Ruckenstein, Schull, 2017) la nécessité de collecter des données à des fins de recherche. Plusieurs questions pourraient donc être abordées dans cette thèse :

Quels sont les types de dispositifs qui émergent du datactivisme et quels sont les mécanismes du pouvoir d’agir à l’oeuvre ?

Comment les citoyens s’approprient-ils ces dispositifs de sciences participative et alternative ? Quels sont les usages à l’oeuvre et qui sont les usagers ? Et dans quelle mesure les formes d’engagement qui en découlent déstabilisent-elles, ou non, les organisations ?

Comment les organisations font-elles face à l’émergence de ces collectifs et dispositifs ? Et dans quelle mesure peuvent-elles être porteuses d’innovation sociale en étant attentives aux critiques et aux attentes émergentes dont témoignent ces collectifs ?

Comment les formes de pouvoir d’agir à l’oeuvre peuvent-elles contribuer à approfondir les médiations autour de la protection et l’usage des données personnelles, au-delà d’une seule perspective juridique ?
La thèse pourrait concerner différents secteurs d’activité où les questions de gouvernance des données massives, de pouvoir d’agir et de participation citoyenne se posent de manière centrale : la santé, l’écologie, la culture tout autant que la communication politique ou encore la recherche scientifique.
Bibliographie :
ABDELNOUR S., BERNARD S. (2018), « Vers un capitalisme de plateforme ? Mobiliser le travail, contourner les régulations », La nouvelle revue du travail [Online], 13. DOI: 10.4000/nrt.3797 ; URL: http://journals.openedition.org/nrt/3797
ALLOING C., PIERRE J. (2021), « Le travail émotionnel numérique : faire de ses clics un moyen d’éviter les claques », Questions de communication, 40 | 2021, 233-256.
ANDONOVA Y, PEIROT N., EL BOURKADI S. (2024), coordination numéro thématique « Plateformes, organisations et injonctions au travail », Communication & Management, 2024/1, vol.20, ESKA (sous presse)
ANDONOVA Y., D’ALMEIDA N. (2022), « Pour une approche géocommunicationnelle des organisations », Communication et organisation [En ligne], 62 | 2022, mis en ligne le 01 décembre 2022, consulté le 08 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/communicationorganisation/11691
BEUSCART J-S., DAGIRAL É., PARASIE S., « Ce qu’internet fait à la démocratie », dans, Sociologie d’internet (dir. BEUSCART J-S. et al.), Armand Colin, Cursus, 110-130.
BOUILLON J.-L. (2015), «Technologies numériques d’information et de communication et rationalisations organisationnelles : les « compétences numériques » face à la modélisation», Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°16/1, 2015, p.89 à 103, consulté le vendredi 8 mars 2024, [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2015/varia/06-technologies-numeriques-dinformation-de-communication-rationalisations-organisationnelles-competences-numeriques-face-a-modelisation
CARAYOL V., LABORDE A. (2019), « Les organisations malades du numérique », coordination dossier thématique, Communication & Organisation, n°56, mis en ligne le 1er décembre 2019, consulté le 18 mars 2023. URL : http://journals.openedition.org/communicationorganisation/8207
CATELLANI A., PASCUAL ESPUNY C., PUDENS MALIBABO Lavu, JALENQUES VIGOUROUX B. (2019), « Les recherches en communication environnementale », Communication [En ligne], Vol. 36/2 | 2019, mis en ligne le 15 juillet 2019, consulté le 08 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/communication/10559
CORDELIER, B., GALIBERT, O. (2021), Communications numériques en santé, ISTE Édition
COUSSERAND-BLIN I., PINÈDE N. (coord.) (2018), « Digitalisation et recrutement. Perspectives informationnelles et communicationnelles », Communication & Organisation, n°53. URL : https://www.cairn.info/revue-communication-et-organisation-2018-1-page-9.htm
D’ALMEIDA, N. (2001), Les promesses de la communication, Presses Universitaires de France.

FEENBERG Andrew, « Technique et agency », Revue du MAUSS, 2014/1 (n° 43), p. 169-180. DOI : 10.3917/rdm.043.0169. URL : https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2014-1-page-169.htm
FLIPO, F. (2020), L’impératif de la sobriété numérique. L’enjeu des modes de vie, Éditions Matériologiques, Essais.
LONEUX C. (2015), « justification professionnelle dans la Responsabilité -Pratiques d’information, 2015/1 (n° Communication & Organisation», Sociale des Entreprises : évolution ou répétition ?47), p. 115-129. URL : https://journals.openedition.org/communicationorganisation/4915
MILAN, VAN DER VELDEN, « The Alternative Epistemologies of Data Activism », Digital Culture and Society, vol. 2, 2, DOI : 10.14361/dcs-2016-0205
NISSENBAUM, H., BRUNTON, F. (2019), La vie privée, mode d’emploi, C&F éditions.
RUCKENSTEIN M., SCHÜLL N. D. (2017), « The Datafication of Health », Annual Review of Anthropology, vol. 46, p. 261-278. DOI : 10.1146/annurev-anthro-102116-041244
3.
DISCIPLINE CONCERNÉE
La thèse s’inscrit en sciences de l’information et de la communication et dans les orientations développées par le LabSIC et notamment sa thématique 4. Au sein de cette dernière, les chercheurs travaillent sur l’analyse des pratiques, des discours et des processus de communication au sein des organisations (entreprises, institutions publiques, associations, collectivités territoriales, etc.), tous secteurs confondus. Ceux-ci sont étudiés à l’aune des transformations organisationnelles liées à l’hégémonie des discours managériaux, à la multiplication des injonctions et à la généralisation des dispositifs numériques (plateformes, objets connectés, etc.) dans un contexte d’incertitude.
4.
LA PLACE ET L’IMPORTANCE DE LA RECHERCHE DANS LA POLITIQUE SCIENTIFIQUE DU LABSIC
Le contrat doctoral fléché sera principalement mené au sein de la thématique 4 du LabSIC « Communication et organisation », lancée en septembre 2021, qu’il vise à renforcer. À la croisée du champ de la communication des organisations (entreprises, institutions publiques, collectivités territoriales, etc.), de la sociologie des usages et des travaux de plusieurs chercheurs du LabSIC sur les plateformes dans les industries culturelles, la problématique traitée dans cette thèse sera transversale aux autres thématiques du laboratoire.
Cette recherche en thèse pourrait donner lieu à des collaborations scientifiques avec d’autres membres du LabSIC travaillant sur des thématiques proches, autour notamment des questions de communication, du consentement et d’empowerment des citoyens (participation au projet européen H2020, « Social Forces In Democracy », déposé, en attente de réponse).

DIRECTION DE LA THÈSE
Direction de la thèse : Yanita ANDONOVA est professeure des universités en sciences de l’information et de la communication à l’Université Sorbonne Paris Nord, chercheure au LabSIC et responsable de sa thématique 4 « Communication et organisation ». Ses recherches portent sur l’analyse de la communication organisationnelle (enjeux géopolitiques, discours et pratiques professionnelles) ; l’approche critique des injonctions au travail, notamment dans un contexte de plateformisation des activités ; la visibilité et la reconnaissance de l’individu au travail ; l’usage de dispositifs numériques (IA, algorithmes, objets connectés en santé).

Co-encadrant de la thèse : Nicolas PEIROT est maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’Université Sorbonne Paris Nord. Il est chercheur au LabSIC où il est co-responsable de la thématique « Communication et organisation ». Ses recherches portent sur le pouvoir d’agir numérique, ses processus communicationnels et sa rationalisation par le marketing. Ce travail est construit autour de terrains divers (plateformes de l’économie collaborative ; jeux-vidéos publicitaires ; organisations et collectifs pour la transition socio-écologique).
6.
LES COMPÉTENCES ET LES QUALITÉ ATTENDUES DU/DE LA CANDIDAT/E
Le ou la candidat.e devra être titulaire d’un master en Sciences de l’information et de la communication ou d’une autre discipline en SHS (sociologie, psychologie, ethnographie, sciences de gestion) et doit témoigner de qualités relatives à la recherche en sciences sociales (mémoire de recherche, étude de terrain, enquête, problématisation d’un sujet, techniques de recueil des données). Il ou elle devra démontrer son appétence à traiter des sujets liés à la communication numérique des organisations dans une approche critique.
Le dossier de candidature, envoyé en version électronique pour le 16 mai aux adresses contact de ce contrat (yanita.andonova@gmail.com ; nicolas.peirot@univ-paris13.fr) devra contenir (en un seul fichier format pdf) les éléments suivants : – Une lettre de motivation comportant le projet professionnel – Un CV (de deux pages maximum) – Un projet de thèse (10.000 signes maximum) – Le diplôme ou l’attestation de réussite du M1 et du M2
Si le Master 2 est en cours, il conviendra de fournir le relevé de notes du S1.
Calendrier :

Vendredi 31 mai : date limite de constitution du dossier sur la plateforme des doctorants (https://doctorants.univ-paris13.fr/) (cf. document Appel d’offre contrats doctoraux)

Vendredi 21 juin : audition des candidats (en présentiel)

Fin juin : annonce des résultats.

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