[Vulgarisation] Délocalisations : l’expatriation, un levier pour entretenir de bonnes relations avec le partenaire offshore
En délocalisant à l’étranger certains services (par exemple, des services informatiques, des centres d’appels, des services d’ingénierie), les entreprises bénéficient d’un meilleur accès aux compétences et à du personnel qualifié, aux opportunités d’apprentissage et à d’autres avantages en termes de coûts et de ressources.
Mais cette externalisation offshore comporte également des risques : par exemple, lorsque le travail effectué par un prestataire offshore ne répond pas aux attentes de l’entreprise cliente. Cette dernière peut en conséquence craindre qu’en raison de son manque d’expertise, et au vu de sa dépendance vis-à-vis de son prestataire offshore, ce dernier présente un comportement opportuniste.
Et malheureusement, en règle générale, se fier uniquement à un contrat ne suffit pas pour répondre au besoin de contrôle des entreprises clientes envers leurs prestataires offshores.
Les différences culturelles et linguistiques augmentent le risque de mauvaises communications et de malentendus. De plus, la distance géographique et les différences de fuseaux horaires rendent plus difficiles l’interaction et la coordination des équipes entre les deux parties.
Dans ce contexte, nous avons étudié comment le transfert physique de personnel entre les deux partis pouvait aider les entreprises clientes à garder le contrôle sur leurs activités délocalisées.
Nous avons mené une étude qualitative exploratoire des initiatives d’externalisation offshore de 32 entreprises clientes situées en Belgique, en examinant les pratiques utilisées pour contrôler les accords de délocalisation via le transfert physique de personnel, consistant soit à envoyer un expatrié vers le prestataire offshore, soit à envoyer du personnel offshore vers l’entreprise cliente.
Informations de première main
Cette enquête démontre d’abord que, généralement, le rôle des expatriés reste moins formel que la supervision directe de leur prestataire offshore ; à titre d’exemple, nous avons pu constater qu’un expatrié avait pu recueillir de manière informelle des informations de première main sur les tâches, les progrès réalisés, et les problèmes auxquels les équipes locales étaient confrontées.
Ce type de phénomène facilite donc l’identification et la correction des comportements mal alignés par les employés offshores. Le contrôle exercé par l’expatrié améliore ainsi l’échange d’informations tacite, comme en témoigne un employé dans notre étude :
« Un expatrié utilisait régulièrement la machine à café pour développer le contact informel en construisant un réseau… Et si vous restez à la machine à café assez longtemps, vous pouvez partager des connaissances inarticulées. Et c’est ce dont les expatriés ont vraiment besoin ».
Ensuite, la présence d’expatriés a également été signalée comme un moyen important de transmettre les connaissances vers le prestataire à partir de formations, qui peuvent prendre des formes tacites et qui réduisent les problèmes d’asymétrie d’information, comme en témoigne un autre interviewé :
« Si les expatriés demandent aux membres offshores “L’avez-vous compris ?” et qu’ils répondent oui, ils doivent aussi le démontrer de manière pratique. C’est une étape supplémentaire que nous avons franchie dans le processus de transfert des connaissances d’une manière bonne et efficace ».
Connaître chaque employé
Les personnes interviewées pour cette étude ont également partagé avec nous le fait que les membres offshores appréciaient que les entreprises clientes envoient des expatriés. Ils considèrent cela comme un signe positif de considération et de reconnaissance du travail réalisé par leur entreprise.
La présence de ces expatriés montre l’engagement de l’entreprise cliente à accompagner les équipes locales, et en échange l’entreprise cliente bénéficie d’une plus grande fidélité et d’une motivation supplémentaire chez le personnel offshore ; ce qui, en retour, contribue à favoriser la confiance mutuelle pour aider le client à atteindre ses objectifs, explique un expatrié :
« Nous gérons les employés offshores exactement comme nos employés, en utilisant leur prénom, en ayant le même type de relation que nous avons avec nos propres employés. Nous voulons passer du temps avec eux et les connaître un par un. Dès qu’il y a plus de relations personnelles, les gens sont plus heureux de travailler et se sentent mieux. De notre côté, nous savons qui peut faire quoi, ce qu’ils préfèrent faire. »
Cependant, trouver des employés candidats à l’expatriation n’est pas toujours chose aisée. De plus, lorsque ceux-ci sont disponibles, ils s’avèrent généralement coûteux, et souvent ont du mal à s’adapter à leur nouvel environnement.
C’est pourquoi la solution de faire venir un employé de l’entreprise offshore dans l’entreprise, solution souvent proposée, apparaît comme une solution pertinente. D’autant plus que, si ce choix peut parfois être un peu forcé, il reste un bon moyen d’entretenir de bonnes relations entre les deux parties. L’accueil dans l’entreprise cliente des employés offshores crée en effet des liens personnels qui facilitent la communication entre les équipes, non seulement pendant la mission à l’étranger mais aussi après.
Un interviewé, appartenant à une entreprise qui accueille un représentant de son partenaire situé en Roumanie, en témoigne :
« En Roumanie, les employés savent qu’il y a quelqu’un qui les comprend. Selon nos sources, les problèmes culturels et de communications ont diminué depuis son arrivée. Il reste en contact avec les gens en Roumanie pour connaître leurs problèmes, et les partage ensuite avec le siège social ».
En résumé, les résultats de l’étude soulignent que les entreprises clientes doivent s’éloigner des mécanismes de contrôle formels et de l’utilisation exclusive d’expatriés, se concentrant plutôt sur la communication informelle, et construire une relation basée sur la confiance, la coopération et la reconnaissance.
Ces mécanismes permettent d’aligner le comportement des prestataires offshore sur le meilleur intérêt des clients, réduisant ainsi l’asymétrie d’information, en augmentant la motivation du personnel offshore et en renforçant la confiance entre les deux parties.
Florence Duvivier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.