[Vulgarisation] Qu’est-ce qui motive le personnel en Ehpad ?

 

 

par Chloé Guillot-Soulez, Maitre de Conférences en Sciences de Gestion, IAE Lyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3
 
Le personnel dont la performance dépend des éventuelles récompenses et sanctions reste minoritaire. Shutterstock

Le personnel des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) s’est retrouvé en première ligne pendant la crise sanitaire et la pandémie a compliqué des conditions de travail déjà difficiles. Néanmoins, ces salariés restent investis dans leur travail. Comment expliquer leur motivation ? Qu’est-ce qui les pousse à être toujours présents ?

Il ressort de nos recherches portant sur la motivation qu’une grande partie des soignants partage les valeurs de l’Ehpad et prend du plaisir à effectuer son travail.

Pour comprendre la motivation de ce personnel, la théorie de l’autodétermination nous invite à tenir compte à la fois de l’intensité et de la qualité de la motivation.

La motivation peut se décomposer en deux types : la motivation contrôlée (la poursuite d’une activité pour une raison instrumentale, récompense ou sanction) et la motivation autonome (poursuivre une activité pour le plaisir que l’on retire de son travail).

Amotivés et mercenaires : une minorité

Une enquête menée auprès de 306 soignants de 10 Ehpad début 2020 dans le cadre du projet MEPRU (maintien de l’emploi et des personnes en zones rurales) financé par la Région Occitanie fait ressortir une forte motivation autonome couplée à une motivation contrôlée variable, comme le montre la figure ci-après :

Répartition des types de motivations chez les soignants interrogés dans le cadre du projet MEPRU. Auteur

Ce graphique fait apparaître quatre situations types.

On s’aperçoit d’abord que les soignants sont très peu nombreux à se trouver dans une situation d’« amotivation », c’est-à-dire une situation dans laquelle il n’existe aucun levier de motivation pour les faire évoluer.

La proportion de « mercenaires » est quasi inexistante. Il s’agit de personnes à la recherche d’avantages matériels en échange de leur participation au travail. Ils ne prennent pas de plaisir dans leur travail et sont susceptibles d’adopter des comportements déviants pour arriver à leurs fins. Les managers peuvent, à court terme, espérer développer leur performance en maniant la « carotte et le bâton ».

Plaisir, pragmatisme et idéalisme

Si la plupart des soignants font preuve d’une forte motivation autonome, deux catégories se dégagent néanmoins.

Tout d’abord, les soignants guidés par le « plaisir et l’idéalisme ». Ils se caractérisent par une faible motivation contrôlée et une forte motivation autonome. Pour ces individus, inutile de distribuer des récompenses financières ou de les sanctionner, ce n’est pas ce qui les intéresse.

En revanche, ces salariés seront attentifs aux feedbacks positifs, à la valorisation de leurs compétences, au fait de disposer d’autonomie et de développer des relations positives avec toutes les parties prenantes de l’organisation (managers, collègues, résidents, familles, etc.).

Enfin, la situation « plaisir et pragmatisme » correspond à des soignants qui présentent à la fois une forte motivation autonome et une forte motivation contrôlée. Ils ont du plaisir à effectuer leur travail, sont attachés à leur travail et sont également motivés par l’obtention de récompenses.

 

À partir du moment où le niveau de motivation autonome est haut, les primes sur performances pourront encore renforcer la motivation pour développer des performances. Dans cette situation, les récompenses financières, à l’instar de la prime Covid de 1 000 à 1 500 euros accordée par le gouvernement en juin dernier, pourront véritablement venir renforcer la motivation.

Une soignante en Ehpad en témoigne :

« Je serais la première à me donner corps et âme si j’avais la reconnaissance et le salaire qui suit »

Savoir où se situent les salariés parmi ces situations types est d’autant plus important que les différents niveaux de motivation n’appellent pas les mêmes actions de la part des managers. Or, selon certaines études, le personnel du secteur dit justement souffrir d’un manque de soutien de la hiérarchie et des collègues.

« Le métier est top »

L’étude de la motivation des soignants sous ses différentes formes peut ainsi constituer un préalable pour résoudre ce problème en mettant en place un contexte de travail propice au développement de la motivation autonome et en rapprochant le management des besoins du personnel.

 

Aujourd’hui la raison qui pousse les soignants en Ehpad à être toujours présents à leur poste, à poursuivre leur travail et à faire preuve de bienveillance auprès de nos seniors reste le niveau de motivation autonome qu’ils affichaient avant la crise. Ce niveau de motivation autonome, ce vrai plaisir au travail, permet de déclencher des niveaux élevés de performances et sur le long terme.

Comme le souligne une soignante en Ehpad :

« Le métier est top, mais le salaire n’est pas génial »

À l’inverse, lorsque le management n’est pas tourné vers la satisfaction des besoins fondamentaux pour favoriser le développement de la motivation autonome, notre enquête montre une intention de quitter son poste élevée. Le défi, pour les Ehpad, est donc bien de réussir à garder ces personnels motivés.

The Conversation

Claude Roussillon Soyer a reçu des financements de la Région Occitanie.

Chloé Guillot-Soulez does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.

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