[AAA] Usages et pratiques de la publicitarisation : enjeux économiques et symboliques des relations actuelles entre marques et médias
Revue Communication & Management
Numéro co-dirigé par :
- Frédéric AUBRUN, ECOLE EUROPEENNE INSEEC U., MARGE
- Karine BERTHELOT-GUIET, CELSA – SORBONNE UNIVERSITE, GRIPIC
- Caroline MARTI, CELSA – SORBONNE UNIVERSITE, GRIPIC
- Valérie PATRIN-LECLERE, CELSA -SORBONNE UNIVERSITE, GRIPIC
Problématique :
Ce numéro de Communication & Management vise à questionner les liens entre médias et publicité et notamment à interroger ce que certains chercheurs définissent comme la publicitarisation. Il s’agit de mettre au jour et d’analyser les métamorphoses de la communication marchande et ses conséquences au niveau économique, éthique et symbolique, dans les champs organisationnel, culturel, médiatique et plus spécifiquement journalistique. Pour Patrin-Leclère, parler de publicitarisation, « c’est choisir de scruter ce que la publicité fait aux médias, dans leur forme et dans leur contenu ; c’est penser ensemble la création médiatique et le financement de l’entreprise ; c’est tisser délibérément ce qui est souvent analysé distinctement, à savoir les faits de culture et les questions économiques » (2014, p. 41). La publicitarisation est un moyen alternatif pour les marques de se promouvoir dans les médias.
« Un annonceur qui achète moins d’espace publicitaire ne considère pas pour autant qu’il n’a pas besoin des médias pour rendre visibles sa marque, ses produits, ses services : il se préoccupe donc de le faire autrement. Il peut par exemple chercher à entrer plus avant dans le média, à s’immiscer dans le contenu éditorial, par exemple dans le cadre d’un traitement journalistique ou d’un placement de produit » (2014, p. 42), explique-t-elle. Cette publicitarisation des médias englobe toutes les hybridations qui croisent production éditoriale et production publicitaire et peut prendre diverses formes : publi-rédactionnel, publi- information, publi-reportage, articles sponsorisés, etc. Cette adaptation de la publicité au média est désignée par Patrin-Leclère comme une « tentative de gommage de la rupture sémiotique » (p. 50, 2014) : publicité et média ne doivent former qu’une seule et même entité.
Les enjeux déontologiques et éthiques sont à questionner dans cette approche transversale de la publicitarisation. Ainsi, les contributions peuvent traiter des logiques sémiotiques inhérentes à la publicitarisation qui s’expriment notamment dans le champ journalistique par un effacement progressif des frontières entre le journalisme et publicité au profit de logiques économiques. De leurs côtés, certains gestionnaires de marques produisent des contenus dits dépublicitarisés (Marti de Montety) pour gagner de nouveaux territoires d’expression au sein de la sphère médiatique – en témoigne la prolifération de web-séries de marques (Aubrun et Bihay 2015). Dans cette perspective d’hybridation des genres et de masquage du stigmate publicitaire, les marques utilisent Internet comme nouveau terrain de jeu. C. Marti de Montety part du phénomène de publicitarisation pour le défaire, le « dé-publicitariser » en quelque sorte. Et c’est justement dans cette transition que se joue la différence entre les deux termes : dans les formes dites publicitarisées, « on est dans un en deça publicitaire, dans une configuration osmotique entre la publicité et l’éditorial […] ; leur matière est la publicité. » (p. 78, 2014), tandis que les formes dépublicitarisées « doublent leur image d’une identité médiatique ou culturelle jusque-là peu mise en avant » (p. 94-95, 2014), sans pour autant nécessairement renier leur activité commerciale.
Autrement dit, dans le premier cas, la publicité imite le média qui laisse cette matière publicitaire l’infiltrer ; dans le second, les marques développent des dispositifs médiatiques et culturels dans lesquels l’aspect promotionnel est relégué au second plan. Publicitarisation et dépublicitarisation s’opposent alors tout en se complétant dans un jeu de miroir déformant. Le concept de dépublicitarisation est aussi en tension avec celui d’hyperpublicitarisation, qui consiste en une hypertrophie de la communication publicitaire (Marti de Montety et Berthelot- Guiet, 2013). L’euphémisation de la vocation marchande conduit en effet les marques à adopter des formats et cadres énonciatifs en dehors du marché publicitaire et par là-même, à investir des terrains non dédiés aux marques : espaces publics, culturels… Cette hyperpublicitarisation prend tout son sens dans la société « hypermoderne » (Lipovetsky et Serroy, 2013), avec une extension du modèle de la consommation à l’ensemble du corps social où tout est prétexte à
« marquer » le territoire de la marque. Les sphères industrielle et culturelle ne sont plus à envisager de manière dichotomique mais de façon interdépendante expliquent Lipovetsky et Serroy : « nous sommes au moment où les systèmes de production, de distribution et de consommation sont imprégnés, pénétrés, remodelés par des opérations de nature fondamentalement esthétique » (2013, p. 11). La « dissémination sociale » (Semprini, 2005) de la marque et ses nouvelles modalités de présence s’inscrivent dans ce contexte hypermoderne.
Les contributions attendues peuvent jouer sur l’approche complémentaire des concepts pub*1 en s’attachant à les inscrire dans un territoire d’étude délimité. L’enjeu de ce numéro, que les auteurs se reconnaissent ou non dans ces concepts – voire qu’ils s’en distancient fortement –, est de s’intéresser aux interactions entre marques et médias, de saisir la configuration actuelle, de la caractériser, de mettre en lumière soit des phénomènes larges soit des pratiques ponctuelles des professionnels de la publicité, du marketing et des médias. Toutes les approches sont les bienvenues, les axes proposés ci-après ne sont donnés qu’à titre indicatif et ne doivent pas être un obstacle à des propositions qui ne s’inscriraient pas dans le cadre qu’ils esquissent.
Les propositions de contributions pourront s’inscrire dans l’un des axes suivants :
Axe 1 : Publicitariser les médias : questionner l’interdépendance entre annonceurs et journalistes à travers le concept de publicitarisation, ainsi que les enjeux économiques, éthiques et symboliques qui en découlent. Qu’en est-il des productions médiatiques, des expérimentations médiatiques des annonceurs, des relations de travail entre professionnels des médias et des marques, du rôle des acteurs concernés, tels que les régies publicitaires ?
Axe 2 : Dépublicitariser et publicitariser dans le secteur culturel : il s’agira ici de s’intéresser aux métamorphoses culturelles. On peut penser par exemple aux musées façonnés par des stratégies de marques – quand ils sont conçus pour favoriser une publicitarisation et des formes éditoriales ou aux expérimentations muséales des marques soucieuses de valoriser leur dimension culturelle. Imitation ou créativité, quels sont les enjeux, les modalités, les mutations réelles qui se nouent dans ces gestes de requalification ? Tous les secteurs de la culture peuvent être interrogés dans cette perspective : littérature, cinéma, théâtre, jeux vidéo etc.
Axe 3 : (Hyper)publicitariser la ville : il s’agit de s’intéresser à la ville en tant qu’espace de publicitarisation, de dépublicitarisation ou d’hyperpublicitarisation, par exemple en analysant les trajectoires des marques dans l’espace urbain, les mutations en jeu, notamment médiatiques et territoriales.
1 La pub* regroupe l’ensemble de ces concepts, le radical suivi de l’astérisque renvoyant aux variations de préfixes et suffixes.
Axe 4 : Critique et réflexion autour de la pub* et plus largement des approches conceptuelles des relations entre marques et médias : les auteurs se saisiront des concepts de pub* pour les prolonger, discuter, revisiter, au regard de cas similaires ou alternatifs.
Ainsi, si les secteurs médiatique, organisationnel et culturel, entendus dans leur acception la plus large, sont au cœur de cet appel, sont acceptés aussi les articles démontrant la mobilisation et l’extensibilité des concepts pub* dans des domaines connexes. Le champ d’exploration est par conséquent ouvert, et c’est justement cette flexibilité qui revêt un caractère tout à fait pertinent et passionnant pour l’analyse empirique, de la même manière que les études de cas peuvent venir enrichir la portée signifiante de ces concepts posés dans le cadre disciplinaire des Sciences de l’Information et de la Communication (SIC). Comment sont-ils appropriés, discutés, par les professionnels, les chercheurs en SIC mais aussi en sciences de gestion ?
Cet appel se veut donc volontairement ouvert aux approches pluridisciplinaires et disciplinaires variées, l’idée étant de démontrer la portée et l’extensibilité des concepts pub* dans les recherches pratiques. En ce sens, ce numéro se situe dans la lignée des deux cahiers thématiques du n°10 de Communication & Management – consacrés à la marque en tant qu’objet communicationnel – en poursuivant la réflexion engagée autour de l’extension du territoire communicationnel de marque.
Références bibliographiques :
Aubrun, F. et Bihay, T. (2015). Publicité en série : lorsque la marque se raconte sur le Web.
Communication & Langages, 185, 127-149.
Berthelot-Guiet, K., Marti de Montety, C. et Patrin-Leclère, V. (2013). Entre dépublicitarisation et hyperpublicitarisation, une théorie des métamorphoses du publicitaire. Semen, 36, 53-68.
Lipovetsky, G. et Serroy, J. (2013). L’esthétisation du monde : vivre à l’âge du capitalisme artiste. Paris : Gallimard.
Marti, C. (2019). Les médiations culturelles des marques. Une quête d’autorité. ISTE éditions.
Marti de Montety, C. (2013). Les marques, acteurs culturels : dépublicitarisation et valeur sociale ajoutée. Communication & Management, 10(2), 22-32.
Mouratidou, E. (2018). Mettre en scène l’invisible : des coulisses aux images-coulisses de l’industrie de la mode. Communication & Langages, 198(4), 85-100.
Patrin-Leclère, V., Marti de Montety C. et Berthelot-Guiet, K. (2014). La fin de la publicité
? Tours et contours de la dépublicitarisation. Lormont : Le Bord de L’eau. Patrin-Leclère, V. (2013). Un média est-il une marque ? Communication, 32(2).
Patrin-Leclère, V. (2004). Journalisme, publicité, communication : pratiques professionnelles croisées. Communication & Langages, 140(2), 109-118.
Semprini, A. (2005). La marque : une puissance fragile. Paris : Vuibert.
Organisation scientifique :
Calendrier prévisionnel :
- Octobre 2019 : publication de l’appel à contributions
- 27 janvier 2020 : limite de réception des propositions
- Fin mars 2020 : envoi aux auteurs des avis du comité de sélection
- 31 août 2020 : limite de remise des premières versions des articles
- 1er septembre au 1er octobre 2020 : recommandations aux auteurs
- 1er décembre 2020 : limite de remise des articles définitifs
- 15 décembre 2020 : décision définitive de publication
- Janvier 2021 : sortie (prévisionnelle) du numéro
La proposition sera adressée en fichier attaché (nom du fichier du nom de l’auteur / formats .rtf ou .doc), contenant un résumé de l’article (1500 à 2000 mots maximum). Une brève biographie du(des) auteur(s), (titres scientifiques, terrain de recherche, section de rattachement…) sera ajoutée (voir le modèle ci-dessous).
Les propositions retenues feront l’objet d’une évaluation réalisée sur la base des articles
définitifs (35 à 50 000 signes, espaces compris ; voir les normes de soumission sur le lien : http://revue-communication-management-eska.com/contribuer/normes-de-redaction).
L’évaluation sera assurée de manière anonyme par au moins deux lecteurs du comité de sélection (elle permettra une décision définitive relative à la publication).
* La revue fait partie de la « Liste des revues qualifiantes du domaine Sciences de l’information et de la communication (SIC) »
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